Claire Doussard est une doctorante au parcours peu ordinaire. Après avoir commencé par une classe prépa BCPST (biologie, chimie, physique et sciences de la Terre) avant d’intégrer une école d’ingénieur, elle a tout d’abord obtenu un diplôme en maîtrise d’œuvre et ingénierie du paysage, en 2012, à Agrocampus Ouest. Elle s’est ensuite lancée dans un master d’urbanisme à l’université d’Harvard, aux Etats-Unis, obtenu en mai 2014, avant d’effectuer, quelques mois après, une thèse en géographie, spécialité ‘Architecture, Ville et Environnement’ à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris La Villette (ENSAPLV). "J’ai toujours aimé me lancer dans de nouveaux projets tout en réfléchissant à des solutions innovantes pour rendre le monde plus durable", explique la jeune femme. "A mon retour en France, j’ai effectué plus d’une dizaine de demandes de financements de thèse. Cependant, comme pour la très grande majorité des doctorants en Sciences Humaines et Sociales, je n’ai pas réussi à obtenir d’allocation doctorale ou d’autres moyens de financement pour couvrir mes trois années de thèse. Il a donc fallu que je trouve d’autres solutions pour vivre. J’ai commencé par enseigner l’anglais à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), où je suis un jour tombée sur un prospectus expliquant ce qu’était le programme Pépite. Comme le statut de vacataire est extrêmement précaire et que j’avais besoin d’argent, j’ai décidé de prendre mon destin en main et de me lancer dans l’entrepreneuriat !", ajoute-t-elle.
Une ambition de développer les mises en relation
Claire décide alors de créer, avec plusieurs collaborateurs, ‘Agora’, site internet dont le but premier est de contribuer à l’établissement de villes plus durables et innovantes, au travers du développement de collaborations entre la recherche, les entreprises et le secteur public. "L’idée est venue au travers des constats que j’ai pu faire en intégrant le monde de la recherche, à savoir la diminution de la proportion des fonds publics et la difficulté croissante pour pouvoir y avoir accès. Une autre raison concerne le manque de connaissances des entreprises au sujet de la recherche et des moyens de la financer pour développer leur activité", détaille Claire. Avant de préciser : "Notre mission est de faciliter la mise en relation de ces différents acteurs au travers d’une base de données accessible par l’intermédiaire d’une plateforme web regroupant experts, propositions de projets compréhensibles par tous et opportunités de financement. Au-delà de la mise en place d’échanges et de collaborations via notre site, nous envisageons également de réaliser plusieurs événements dont les thèmes seraient en lien avec la recherche et le monde des entreprises."
La volonté d’avancer en étant bien entourée
Pour développer ce projet, Claire a très rapidement décidé de bien s’entourer. "Dès le début, j’ai compris que je ne pourrai pas monter une société toute seule. Je me suis donc tournée vers mon associée de toujours, April, qui est également urbaniste, et avec qui j’avais déjà travaillé dans le cadre de compétitions d’urbanisme et de paysage. Puis, je me suis rendue compte qu’il fallait que notre équipe devienne multidisciplinaire. Justine, une amie freelance en marketing, nous a rejoints deux mois plus tard. Enfin, nous nous sommes mis à collaborer avec une équipe de développeurs indépendants, Anila et Duc, qui se chargent de développer la plateforme avec nous !" Au cours des derniers mois, les trois amies entrepreneuses ont continué à développer le concept d’Agora, et ont lancé une grande enquête auprès de chercheurs, d’entreprises et d’institutions, dans l’objectif de comprendre quels étaient leurs besoins. Elles ont reçu pour l’instant près de 350 réponses provenant de 47 pays différents. "Nous conduisons désormais des entretiens plus qualitatifs, et nous peaufinons notre business plan. Nous allons ensuite chercher des financements, organiser nos premiers événements… Car être entrepreneur, c’est toujours avancer, toujours avoir des projets !"
Aller à l’encontre de certains clichés bien résistants
A court terme, Claire espère pouvoir combiner ses activités de chef d’entreprise, de chercheur et d’enseignante. "Cependant, j’ai toujours l’impression que ceci est assez mal perçu en France, ce que je trouve regrettable… D’autant plus que je suis convaincue que le monde de la recherche doit se tourner de plus en plus vers les entreprises, en raison du désengagement clair du secteur public. Je souhaite surtout pouvoir accomplir quelque chose permettant de contribuer à financer la R&D de manière plus collaborative et innovante", affirme la jeune femme, très ambitieuse, qui affirme avoir pour le moment deux grandes satisfactions liées à son projet. "La première est de créer un projet d’entreprise, de A à Z, en laquelle je crois, et je suis convaincue qu’elle aurait pu m’aider à financer ma thèse si elle existait déjà. Je suis persuadée que, si nous réussissons ce projet, les prochaines générations de jeunes chercheurs n’auront pas à se retrouver dans ma situation, et deviendront une ressource clé pour les entreprises qui les verront d’un autre œil. La deuxième satisfaction est d’être l’une des très rares femmes ingénieur entrepreneur. A mon sens, il est essentiel que plus de femmes se lancent dans les sciences et l’entrepreneuriat ! Oui, je suis une femme, je suis ingénieure, doctorante et chef d’entreprise. Deal with it !"
#LeSorbonnaute
© Photo / DR
Inès Picaud-Larrandart, étudiante en master 2 recherche art et création internationale, s’est...
Entre la performance et l’installation, l’artiste Christian Jaccard revendique son statut de...
L'équipe du Master 2 Banque-Finance - Université Paris I Panthéon-Sorbonne est montée sur la...
Trois docteures de l’université ont été récemment récompensées pour leurs travaux. Retour sur ces...