Après des études brillantes, vous avez commencé une carrière de fiscaliste international. Quel a été votre parcours pour opérer un tel changement de vie et devenir l’humoriste et le comédien que vous êtes aujourd’hui ?
"J’ai fait ma première année de droit à l’université Paris Ouest Nanterre. Parallèlement, j’étais inscris au Cours Florent. J’ai ensuite obtenu une maîtrise de droit et science politique, toujours à la faculté de Nanterre. Puis j’ai intégré Sciences Po Paris, en section économique et financière. A ce moment-là, j’ai laissé tomber le théâtre, je me suis marié… J’avais 25 ans ! Je suis ensuite devenu fiscaliste international chez Price, qui m’a envoyé à New York. De là, j’ai vécu les attentats du 11 septembre et je me suis dit que je ne voulais plus perdre ma vie à la gagner. Cela peut sembler négatif : ce n’est pas que je m’ennuyais, j’étais heureux de faire ce que je faisais, je le vivais pleinement, mais j’ai réalisé qu’on ne vivait qu’une fois et que ma place était sur scène. Je voulais y retourner, alors j’ai tout plaqué. J’ai monté un spectacle. Ça paraît facile de dire ça aujourd’hui, mais il y a eu des moments difficiles. Un jour, mon producteur me dit “Ce soir, c’est 100 spectateurs”… Je me suis dit “Génial, c’est 100 billets vendus” : en réalité, c’était sans spectateurs du tout ! Ça a été très dur. J’ai fait des petits castings qui n’aboutissaient pas… Et puis le spectacle “Demaison s’envole”, en 2007, a marché, je suis allé jusqu’à l’Olympia où j’ai joué 300 fois et j’ai été nommé aux Molières. Antoine de Caunes m’a ensuite remarqué et j’ai eu la chance de jouer le rôle de Coluche au cinéma. J’ai d’ailleurs été nommé aux Césars pour ce film. Depuis, j’ai continué le cinéma et tourné dans 25 films, joué dans 700 spectacles et, cette année, j’ai commencé une activité de production. J’ai même acheté un théâtre : le Théâtre de l’Œuvre, à Paris !"
Votre choix a été celui de changer radicalement de métier. Mais pensez-vous qu’il est possible d’allier au quotidien une passion artistique à une formation plus classique comme dans le droit ?
"Je pense qu’on peut tout faire, que tout est possible quand on est passionné. Je suis du genre à toujours voir les choses positivement. J’ai, par exemple, un ami qui est écrivain et avocat, un autre qui est peintre et qui vend ses tableaux en plus de son activité professionnelle. Après, bien sûr, les journées n’ont que 24h et tout dépend de sa vie personnelle. Si on veut bien faire les choses, il faut y consacrer du temps et, parfois, il faut choisir. Mais il faut aussi payer son loyer. On en revient toujours à une idée pragmatique. En ce qui me concerne, à l’époque, je me suis dit que si j’avais une porte de sortie, je devais la prendre. Plus jeune, je rêvais plus de théâtre que de devenir avocat : je souhaitais être un grand acteur, un grand artiste, mais ce rêve me paraissait tellement loin qu’il semblait impossible à réaliser. A un moment donné, j’ai cherché à faire en sorte que ce rêve devienne réalité, et c’est ce qui m’a poussé à prendre un tel risque !"
Quelles sont les qualités à déployer pour devenir acteur ou comédien aujourd’hui ?
" La persévérance est une qualité essentielle dans ce métier : il ne faut pas abandonner au premier obstacle qu’on rencontre. Le travail est aussi indispensable : rien n’arrive par hasard. Après, il faut également être présent aux grands rendez-vous : quand vraiment vous sentez que c’est le moment d’envoyer la sauce, faut pas se louper ! Je pense qu’il est important de savoir provoquer les choses, d’être entrepreneur en quelque sorte. La qualité de son écriture est aussi une qualité importante, et il faut avoir quelque chose d’original à raconter. Enfin, bien sûr, il faut avoir du talent, mais cette qualité est difficile à évaluer… "
Le réseau est-il essentiel pour faire carrière dans le cinéma ?
"Essentiel, je ne pense pas. Je n’en avais pas du tout à l’époque où j’ai commencé, je ne connaissais personne. Toutes les connaissances dans ce métier, je me les suis faites tout seul. Après c’est peut-être plus facile quand on est “fille ou fils de” mais je crois que chacun a sa voix et peut trouver sa place. Aujourd’hui, évidemment, quand j’ai des coups de cœur, j’essaye aussi d’aider les gens qui le méritent. Malheureusement, on ne peut pas aider tout le monde. En ce qui concerne le métier d’avocat, c’est la même chose, le réseau aide bien sûr : je suis fils d’avocat, ma sœur exerce aussi la profession, mais c’est mon travail qui m’a conduit là où je suis arrivé. Le réseau entrouvre des portes, c’est vrai, mais après c’est à nous seul d’être au rendez-vous !"
Entre prises de risques et choix inconsidérés, la frontière est mince, comment calibrer ses choix ?
"C’est très personnel tout cela. Je pense qu’il faut croire en soi avant tout. Et puis, on arrive à faire certains choix en se confrontant aux autres. Dans le théâtre, par exemple, on sent s’il se passe quelque chose en montant des pièces, en faisant des petits showcases de temps en temps même si, au début, c’est juste en présence de la famille et des amis. Après, même si le talent est là et qu’on veut prendre un risque, je trouve que faire 3-4 ans d’études supérieures après le bac est une bonne chose. Parallèlement à ça, on peut développer quelque chose d’autre. Ce n’est jamais du temps perdu : c’est de la culture, de bons réflexes, ça augmente la capacité de travail et permet de se différencier des autres. Aujourd’hui, en tant que producteur, je suis pris au sérieux notamment parce que j’ai fait Sciences Po. Et puis au moins, avoir une bonne base scolaire permet de faire face en cas de tentatives infructueuses. Ensuite, une fois dans le métier, il faut faire des choix judicieux. Par exemple, dans mon métier, même si j’ai parfois envie de toucher à tout, j’essaye de faire des choix cohérents, qui racontent quelque chose, une histoire. Mais le principal est surtout de faire des choix qui nous rendent heureux !"
Il y a dix ans, vous montiez sur scène pour la première fois. Comment avez-vous appréhendé cette prise de parole en public ?
"Evidemment, le stress était là. Il y avait un peu d’inconscience mais il y avait surtout quelque chose d’existentiel : je me suis dit “C’est maintenant ou jamais, vas-y, fais le grand saut, impressionne-les !” C’est ça être au rendez-vous. Je savais que le propre de ce métier est de se faire juger. Mais je crois qu’il faut y trouver du plaisir, se lancer avec son univers, avec ce qu’on a envie de raconter. Le plaisir se transmet aussi. Et puis la préparation aide à évacuer le stress : plus l'entraînement est fort, plus le combat est une récréation ; plus on a répété, plus la scène est un lieu de vie !"
Dans votre ancien métier comme dans votre profession actuelle, le charisme est indispensable. D’après vous, s’agit-il d’une qualité innée ou peut-il s’acquérir, se travailler et se développer ?
"Je crois qu’au départ, c’est quelque chose qu’on a au fond de soi pour que, dès la cour de récré notamment, on dise “regardez-moi” ! Après c’est vrai, certains évènements contribuent à le renforcer. Le succès notamment donne de la confiance en soi : on assume davantage ce que l’on est ! Avec l’âge aussi, on arrête de se prendre la tête pour des bêtises, on prend de la distance et on ose peut-être plus. Mais c’est normal de toujours avoir la boule au ventre dès qu’il s’agit de parler en public, d’affronter le regard des autres. L’excès de confiance en soi est, à l’inverse, agaçant : il faut trouver un équilibre. Le charisme commence d’abord par l’attention portée à la situation, l’écoute de son interlocuteur, puis par viser juste dans ce que l’on va dire : c’est l’échange. Il faut avoir le sens de l’autre, être capable d’écouter et de partager des choses. Il y a quelque chose de généreux dans le charisme !"
Quels seraient les conseils que vous donneriez à un étudiant souhaitant se lancer dans une carrière tout à fait différente des études qu’il a réalisées ?
"Je lui dirais qu’il n’est jamais trop tard. Mais je suis un optimiste de nature : tous mes conseils ne sont pas forcément bons à prendre ! En ce qui me concerne, si c’était à refaire, je le referais. Cela peut paraître dangereux, mais qu’est-ce qui ne l’est pas aujourd’hui ? Et puis, si le monde est fou, je crois qu’il faut être encore plus fou que lui !"
Propos recueillis par Justine Ampen
Photo / DR
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