Suite notamment aux événements tragiques qui se sont déroulés il y a un an puis en novembre dernier, Paris 1 Panthéon-Sorbonne s’est engagée à communiquer et à débattre avec ses étudiants sur les enjeux de notre temps, afin de dépasser l'effroi et mieux comprendre le monde qui nous entoure. Dans cette perspective, l’université, les UFR et des professeurs mettent en place des rencontres, des colloques et des discussions pour rassurer, transmettre des valeurs et aborder des sujets certes compliqués mais ô combien d’actualité. Mardi 12 janvier se tenait ainsi un débat organisé par l’UFR d’Histoire, animé par Jean-Marie Le Gall, professeur d’histoire moderne à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et portant sur "La République et l’islam depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours". Etaient présents Pierre Vermeren, professeur d'histoire à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et spécialiste du Maghreb, Gilles Kepel, politologue et professeur à Sciences Po, et Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Pierre Vermeren a tout d'abord retracé les liens qui unirent la République française à la religion musulmane, notamment à travers la colonisation, qui fit de l'islam la deuxième religion en France. Dès 1848, le second Empire intègre l'Algérie au territoire national, mais les Algériens ne deviennent pas citoyens pour autant. Ils doivent alors abjurer de leur foi en l'islam pour obtenir la citoyenneté. Avec les grands conflits du XXème siècle, le nombre d'Algériens en métropole augmente de façon considérable : ils sont plus de 350 000 après l'indépendance. Cette immigration augmente donc considérablement le nombre de musulmans en France. Pourtant, pendant bien longtemps, cet aspect semble ignoré par l'Etat.
La question du djihadisme
Pour introduire son propos, Gilles Kepel évoque une vidéo trouvée sur internet retraçant l'avancée de l'Etat islamique au VIIème siècle, puis de la douloureuse perte de l'Andalousie. Cette vidéo, disponible aux yeux de tous sur YouTube, tente de démonter le revers subis par les musulmans à Poitiers, puis la reconquête espagnole. Pour le politologue, il existe un "mythe fantasmé" de Charles Martel, primitivement repris par l'extrême droite. L'histoire de France est donc revisitée pour servir des intérêts politiques. Mais Gilles Kepel a surtout abordé le djihadisme et a divisé son histoire contemporaine en trois temps. Avec, tout d'abord, un djihadisme de guerre froide, mobilisé par l'invasion de l'Afghanistan par l'URSS. Il s'agit d'une première génération de moudjahidine, rejointe par de nombreux algériens, et recrutée pour un conflit en particulier. La deuxième "génération" de djihadisme s'étale de 1997 à 2005, et se caractérise par le mouvement Al Qaïda. Cette organisation lutte contre un ennemi lointain, mais souffre de son manque d'implantation territoriale. Enfin, la troisième génération a débuté en 2005 et se caractérise par des jeunes comme Mohammed Merah ou Mehdi Nemmouche. Merah est le premier représentant français de cette nouvelle génération. Il a d'ailleurs agi, le 19 mars 2012, date anniversaire du cessez-le-feu entre la France et l'Algérie. Peut-être n'est-ce qu'un pur hasard du calendrier, mais on ne peut nier son origine algérienne, qui fait donc écho à cette date. Enfin, le professeur de Sciences Po est revenu sur la Marche pour l'égalité contre le Racisme ("Marche des Beurs"), datant de 1983. Partie de Marseille, reliant Paris, en passant par Roubaix, cette marche voulait réveiller l'opinion publique aux questions de racisme en France, mais aussi questionner le gouvernement.
La lutte contre le racisme et l’exclusion
Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, a de son côté souligné l'augmentation des débats et des interrogations sur l'antisémitisme, l'islam et l'islamisme. Cela montre le paradoxe français qu'est la République laïque, avec l'omniprésence de la religion : le représentant parle même de "sur-religiosité" de notre société. La France représente, avec la Chine, le pays le plus athée du monde. Pourtant, nous n'avons jamais cessé de parler de religion. Gilles Clavreul a également pointé la disparition, depuis quelques temps, de la politique d'intégration dans le vocabulaire politique. L'intégration n'est plus la priorité : maintenant, il est question de dé-radicalisation. Pourtant, malgré le tableau pessimiste qu'il dresse de la France, il aborde des solutions, comme la volonté de créer un "discours républicain réincarné". Il est témoin du retrait de l'Etat des zones en difficultés, et lutte pour réinsérer le dialogue et la tolérance, par l'éducation et la transmission.
Ce dialogue entre spécialistes nous a donc permis de bien comprendre la place et les enjeux de l’islam dans notre société contemporaine. Il a bien sûr été question de terrorisme et de djihadisme, mais les intervenants ont tous veillé et insisté sur la nécessité de séparer l’islam de ces pratiques radicales. Il nous faut donc apprendre de cet enseignement et veiller nous aussi à ne pas répandre des idées emplies de haine et de méconnaissance.
Caroline Ernesty
© Photo / Caroline Ernesty
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