Fort du succès du MOOC Droit des entreprises, qui a été le tout premier cours en ligne ouvert à tous de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Bruno Dondero a tenu à détailler et à analyser les évolutions que connaît aujourd’hui la discipline juridique, et les problématiques auxquelles elle est confrontée.
Observateur avisé de la transformation des métiers du droit
Professeur à l’École de droit de la Sorbonne ; directeur du Centre audiovisuel d’études juridiques (CAVEJ), du département Sorbonne Affaires / Finance de l’Institut de recherche juridique (IRJS) ; et particulièrement présent sur les réseaux sociaux, Bruno Dondero contribue et suit avec grand intérêt les différentes évolutions en cours. En la matière, force est de constater que le développement du numérique et d'internet joue un rôle prédominant dans l’évolution du droit. Mais le spécialise a tenu à rappeler que la manière dont fonctionne aujourd'hui l'enseignement supérieur et la complexification du droit, sans oublier les nouvelles exigences des clients des professionnels du droit, sont autant de phénomènes qui transforment profondément la manière dont nous apprenons le droit et dont nous le pratiquons. Ce droit moderne, c’est le "droit 2.0", auquel est consacré ce livre.
L’inventeur du concept de "réchauffement juridique" explique ainsi que le droit est aujourd’hui partout, non plus seulement dans les amphithéâtres et les codes comme d’antan, mais irrigue aussi désormais les réseaux, ce qui n’épargne pas le cerveau des étudiants et des juristes, qui ne savent parfois plus où donner de la tête !
Entre tradition, évolution et révolution
Face à un tel constat, il était indispensable, selon le professeur de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, que chaque acteur intéressé dispose d’instruments pour appréhender cette révolution. "Je ne prétends pas donner des leçons aux professionnels du droit, mais profiter de ma position pour inviter tous les acteurs à une réflexion commune", tient-il à préciser. A l’heure de l’"ubérisation" de la société, il ne serait pas cohérent que le rôle des praticiens du droit s’amenuise, au moment où ils ont probablement le rôle le plus important à jouer. Il s’agit donc de donner un cadre à cette révolution.
Il est cependant légitime de se poser la question de l’opportunité d’une démarche d’adaptation constante des enseignements et de la pratique du droit aux nouvelles technologies. S’agissant de l’éducation, ne risque-t-on pas de désacraliser l’université de son monopole de transmission du savoir ? A force d’"ubérisation des services juridiques", la pratique du droit ne risque-t-elle pas de perdre de sa qualité ? À ces questions, Bruno Dondero répond de manière pragmatique. Il considère en effet autant l’université que les professionnels ne peuvent aujourd’hui ignorer le phénomène internet. Ne pas tirer parti des bienfaits des NTIC risquerait d’enfermer l’enseignement universitaire dans une logique que l’on peut qualifier d’archaïque, et le priver d’un rayonnement international face aux adaptations auxquelles procèdent les autres établissements. Cela priverait par ailleurs les praticiens d’un marché en croissance exponentielle. Ardent promoteur du renouvellement, l’auteur est catégorique : "être réfractaire à internet n’est pas la solution !" Bruno Dondero n’est cependant pas prêt à troquer nouveaux usages contre qualité du savoir : "Il ne faut rien sacrifier en termes de qualité et de rigueur scientifique !"
Vers une réorganisation du marché du droit
"L’université a indéniablement sa place dans la révolution numérique. Néanmoins il ne s’agit pas d’une place qui lui serait acquise de droit et elle doit se battre pour la conserver", affirme encore Bruno Dondero. Cela passe, par exemple, par la généralisation de l’accès aux ouvrages sur internet, par le développement de la formation juridique à distance ou encore par la création de MOOCs. Ces cours permettent des interactions là où il n’y en avait pas ou peu (introduction de mécanismes de questions/réponses ; interactivité via les réseaux sociaux ; etc), ce qui est une bonne chose puisque l’on passe d’un modèle pédagogique magistral à un modèle plus interactif et adapté. "Je continue mon combat pour que l’enseignement à distance ne soit pas considéré comme le parent pauvre de l’enseignement, mais comme l’université de tous les savoirs", précise-t-il.
Autre idée développée : une partie de l’activité des professionnels du droit risque de disparaître. Les avocats sont parmi les praticiens les plus menacés par les évolutions du marché liées à l’essor des nouvelles technologies, notamment avec la concurrence des plateformes en ligne se proposant d’être les intermédiaires d’une saisine du juge. Mais si l’accès au droit semble s’être aujourd’hui démocratisé, cela n’a pas effacé l’intérêt de recourir à des professionnels du droit, bien au contraire : "Ce n’est pas parce que les sources du droit sont accessibles sur internet que les juristes n’ont plus de rôle à jouer !" Il n’est pas aisé de se repérer dans tout le savoir qui est accessible. Leur réflexion, leur stratégie, leur expertise ainsi que la confiance qui leur est accordée sont en effet autant d’éléments "non-ubérisables". Plutôt que de considérer les nouveaux acteurs comme des "braconniers du droit", les praticiens ont au contraire intérêt à prendre part à la pratique d’un droit 2.0. Bruno Dondero aborde plusieurs pistes comme la sollicitation personnalisée par email qui est désormais possible. Pour se différencier, il appartiendra aux juristes de mettre en exergue leur valeur ajoutée.
Entre promotion d’un renouvellement de l’enseignement et de la profession, transcendant même le domaine juridique, et mise en garde face aux nouvelles pratiques du "2.0", voilà un ouvrage qui permettra donc à tous de prendre mieux part à la révolution numérique.
Bruno Dondero, "Droit 2.0, Apprendre et pratiquer le droit au XXIème siècle", L.G.D.J., Lextensoéditions, 2015
Justine Ampen
© Photo / Service Communication Paris 1 Panthéon-Sorbonne
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