Entre la performance et l’installation, l’artiste Christian Jaccard revendique son statut de peintre dans ses œuvres-combustion.
L’œuvre éphémère conçue spécifiquement pour l’exposition Parts de croissance à la Sorbonne Art Gallery comprend neuf tableaux, de dimension identique, prenant place dans le format imposé des cadres de ce lieu. Les neuf peintures sont réalisées sur des « subjectiles », un support papier type papier couché sur fond orangé probablement apposé à la bombe acrylique.
À l’image des courbes de croissance et des indices boursiers chaque tableau est marqué par trois lignes brisées : une rouge, une bleue, une orange. Tantôt elles s’entrechoquent, tantôt elles s’éloignent, tantôt elles se croisent pour former un nœud, telles les variations d’un graphique boursier incontrôlable.
L’odeur du brulé
Chaque ligne porte en elle la résonnance de la combustion des trois mèches lentes collées par du gel thermique. Chaque mèche de couleur est suivie par une ligne de combustion noire, comme si la ligne portait son ombre et sa douce odeur de brûlé. Les mèches lentes – mélange de toile de jute et de goudron – sont un dispositif créé par l’artiste en nouant des bobines de corde récupérées dans l’imprimerie dans laquelle il travaillait. Ce cordon est le premier maillon d’une chaîne pyrotechnique. La chaleur puis l’inertie de combustion des nœuds forment les deux axes de travail du style de l’artiste.
« Je m’enflamme ! I burn for you! »
Pour Christian Jaccard le feu est plus un élément de construction qu’un élément de destruction. Il y voit un processus de régénération, de germination. Le feu est lumière, rayonnement. Son ambivalence pose la problématique de la bipolarité, comme la séparation de notre cerveau entre les hémisphères droit et gauche dont l’un et ne peut fonctionner sans l’autre.
La déroute est ici illustrée par la flambée de la bourse. La trace, la trace du carbone, la trace de la suie s’adapte à la réalité métaphorique de la bourse. Le Bitcoin est peut-être l’une des cotations suivies par l’artiste. Il s’agit d’une monnaie virtuelle dont la particularité est de fonctionner sans autorité centrale. L’évolution du cours du Bitcoin depuis sa création en 2009 a connu une croissance sans précédent que l’artiste a peut-être voulu dénoncer dans son œuvre. Démarrant à zéro, il a atteint un pic de combustion à 18 000 $ en décembre 2017. Le cours chute drastiquement le 16 janvier 2018 à 11 000 $ et continue sa chute brutale jusqu’à passer sous les 7 000 $ début février.
Questionnement sur la création de valeur
Sans poser aucune frontalité dans l’interprétation de ses œuvres, à l’image de ses cartels-poèmes, Christian Jaccard nous laisse libre cours dans nos interprétations. La perte de valeur soudaine d’un indice boursier pourrait susciter le questionnement sur la création de valeur sans matérialité. La valeur immatérielle d’une œuvre, la spéculation du marché de l’art, le délit d’initié, telles sont les questions que se pose l’artiste aujourd’hui.
La créativité intrinsèque du jeune artiste contemporain ne se trouve-t-elle pas déroutée par ce que nous impose le marché de l’art aujourd’hui gouverné par un monde capitaliste ? Peut-on encore créer véritablement et durablement sans avoir à plaire à quelqu’un, à satisfaire un marché demandeur d’un certain style ?
Virginie Cheng, étudiante de Master 1 en arts plastiques, dans le cadre de Penser/Créer en Déroute, plasticité et mondialité.
Sur l’exposition
La Sorbonne Art Gallery accueillait Christian Jaccard du 6 février au 7 avril dernier avec des tableaux éphémères conçus spécialement pour l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Son œuvre se réfère autant aux phénomènes mondiaux et à la fluctuation des dérivations du temps qu’à nos propres ignitions. Pour Christian Jaccard un des enjeux majeurs est la représentation du temps.
Initiée dans les années 1970 avec la combustion d’objets sur toile, de cuirs et de tableaux anonymes, la voie ignée associe au geste pictural la pratique ancestrale de l’écobuage, dite aussi culture sur brûlis. La combustion à mèche lente altère la matière et la couleur originelle de matériaux et de supports divers, desquels émerge un réseau d’empreintes inédites. Ces dessins « automatiques » sont autant de stigmates du temps, constituant pour l’artiste une trace mémorielle, un repère signifiant. Appliqués à l’échelle du mur ou d’un édifice, les tableaux éphémères célèbrent l’énergie cosmique.
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