Le Mexique est l’un des pays d’Amérique latine qui envoie le plus d’étudiants à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. C’est aussi l’une des destinations préférées des étudiants de l’université partant sur ce continent. Ce pays fait également l’objet de très nombreuses études et recherches au sein de l’établissement. C’est donc tout naturellement que l’université a eu le plaisir d’accueillir, le 7 mars dernier, Juan Manuel Gomez-Robledo, Ambassadeur du Mexique en France, membre de la Commission du droit international des Nations Unies, pour une conférence-débat sur le thème de ‘La politique étrangère du Mexique : les nouveaux enjeux’. En effet, aux défis mondiaux tels que le changement climatique, les inégalités, les menaces à la paix, la sécurité et les migrations, en 2017, s’ajoutent des changements géopolitiques qui s’annoncent en force : la remise en question des modèles d’intégration régionale, la montée des nationalismes dans le monde entier, et notamment l’isolationnisme américain, qui exacerbe la volatilité politique. Face à ces enjeux, la politique étrangère mexicaine, fondée sur le respect du droit international, la promotion de la sécurité collective et la défense des droits de l’Homme, constitue le revers du projet national et vise la protection de ses intérêts nationaux et la défense des causes mondiales les plus nobles.
Un diplômé de retour dans son université
Après un mot d’introduction du Président Haddad, qui a ensuite assisté à l’intégralité de la conférence présentée en français, Laurence Burgorgne-Larsen, professeur de droit public à l’Ecole de Droit de la Sorbonne, modératrice de ce débat, a tenu à préciser : « Ce n’est pas sans une certaine fierté que l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne vous accueille aujourd’hui, plus particulièrement l’Ecole de Droit de la Sorbonne et, en son sein, l’IREDIES, qui est le centre de recherche qui regroupe tous les juristes internationalistes et européanistes de notre université. La fierté qui nous étreint aujourd’hui réside dans le fait que vous êtes, en réalité, ici chez vous, tout à la fois en France et à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. En effet, votre parcours est en tout point remarquable puisqu’il démontre une connaissance intime de l’univers de la pratique du droit international public. (…) Or, ce parcours de juriste et de diplomate, il a pris en quelque sorte racine ici, en France et au premier chef à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, puisque vous y avez découvert le droit en démarrant vos études, avant de les poursuivre sur les bancs de l’université de Nanterre et de ceux de Sciences Po Paris. C’est en ce sens que votre lien avec la France et, plus spécifiquement avec notre université, est fort et nous honore tout particulièrement. »
Une politique étrangère à vocation universelle
Juan Manuel Gomez-Robledo a ensuite débuté son propos en affirmant : « L’année 2017 est marquée par la montée des incertidudes et l’émergence de nouveaux défis sur la scène internationale qui risquent de bouleverser l’ordre mondial, conçu en 1945, ainsi que la vague de mondialisation qui a caractérisé la troisième révolution industrielle et les relations économiques entre les Nations. ». Il a ensuite aborbé la politique étrangère par le Mexique, qui a une véritable vocation universelle. « Face à ces défis, la politique étrangère mexicaine, fondée sur des principes tels que le respect du droit international, la promotion de la sécurité collective et la défense des droits de l’Homme, constitue le volet externe de notre stratégie de développement. Nous avons conçu notre place dans le monde sur la base d’une politique internationale qui promeut un monde régi par le droit international, qui constitue la meilleure défense de nos intérêts nationaux. Ainsi, notre politique étrangère repose sur l’idée du Mexique en tant qu’acteur, avec une responsabilité mondiale, c'est-à-dire une Nation qui participe dans la solution des principaux défis de l’humanité qui ne peuvent plus être résolus par un seul État, aussi puissant soit-il. C’est pour cela que nous avons toujours confié, dans notre politique étrangère, un rôle très important à la politique multilatérale, car celle-ci nous a rendu de très grands services dans la mesure où, par exemple, lorsqu’une problématique dans notre relation aussi intense que complexe avec les États-Unis s’épuise au niveau bilatéral, il est toujours utile d’aller vers les Nations Unies afin de favoriser une approche multilatérale ! »
La diplomatie et le respect que les Nations se doivent
L’Ambassadeur du Mexique en France a ensuite abordé la diplomatie et le respect que les Nations se doivent. « Les relations entre le Mexique et les États-Unis comptent parmi les plus complexes, les plus mûres et les plus institutionnelles au monde. Nous avons bâti une structure d’environ 400 accords et mécanismes formels et informels de dialogue, de concertation et de coopération qui régissent nos relations. Celles-ci s’expriment par le biais de liens locaux dont la profondeur et l’importance dépassent l’échelle fédérale, et sont construites par de nombreux acteurs étatiques et non-étatiques des deux pays. Et tout cela a créé des solidarités de fait et de droit qui font que, par exemple, l’eau du fleuve qui nous sépare est une eau que nous gérons depuis 1940 en parfaite coopération. Effectivement, la frontière unit plus qu’elle ne sépare : 10 Etats où résident plus de 14 millions d’habitants. Elle comporte 58 ports d’entrée traversés par plus d’un million de personnes et de 437 000 véhicules par jour. Il n’est pas surprenant d’observer que 80 % du commerce bilatéral se fait par voie terrestre. Cependant, depuis les élections présidentielles aux États-Unis, on assiste à un affrontement de représentations sur la migration et le partenariat économique qui sont sans rapport avec la réalité. Le regard médiatique et politique est souvent centré sur les questions les plus marginales [expulsions, construction d’un mur, etc.], qui sont surmédiatisées et qui masquent les réalités du terrain », a-t-il expliqué.
Les enjeux frontaliers et migratoires
Juan Manuel Gomez-Robledo a, par la suite, abordé les différents enjeux frontaliers et migratoires dans son pays, notamment ceux en liens avec les Etats-Unis. « Aujourd’hui, la population d’origine mexicaine aux États-Unis dépasse le 35 millions. Elle est responsable de 8 % du PIB tandis qu’une entreprise sur 25 est d’origine mexicaine. Les migrants perçoivent des revenus annuels de 240 milliards de dollars par an ; ils payent environ 90 milliards de dollars en impôts annuels ; et n’utilisent que 5 milliards de dollars annuels en services publics et allocations. (…) De plus, le Mexique est le principal fournisseur de talents étrangers à la Silicon Valley, devant l’Inde, le Japon et l’Allemagne. Mais ce qu’il faut retenir c’est que les Mexicains ne partent plus vers les États-Unis en masse, comme ils le faisaient jusqu’à un passé assez récent. (…) Ainsi, le flux général de migrants mexicains s’est totalement inversé et se situe à son niveau le plus bas depuis les années 90. » Et d’ajouter : « Le Mexique a manifesté clairement son désaccord avec les mesures annoncées par le département de la sécurité interne des États-Unis, qui pourraient porter atteinte aux droits des migrants mexicains, y compris toute tentative de militarisation des opérations migratoires. Le Mexique n’acceptera en aucun cas l’application extraterritoriale des décrets de l’Exécutif américain en matière de migration, ni la déportation de citoyens d’autres pays sur le territoire mexicain dans l’attente d’une résolution juridique à leur situation. Ces mesures doivent être l’objet d’un dialogue et d’une décision consensuelle entre les deux pays, et non pas d’une décision unilatérale. Enfin, nous soulignons l’importance de nos mécanismes de coopération, en matière de sécurité, afin de combattre le terrorisme, le crime organisé, le trafic des drogues ainsi que l’importance d’arrêter le flux d’armes et d’argent liquide en provenance des États-Unis qui finance le crime organisé au Mexique. »
Réflexions sur le Mexique et les Etats-Unis
Enfin, l’Ambassadeur du Mexique en France, membre de la Commission du droit international des Nations Unies, a conclu cette conférence-débat par quelques réflexions relatives à l’avenir pour le Mexique, les Etats-Unis et leur place sur la scène internationale. « Dans le contexte actuel d’incertitude politique, le Mexique est prêt à négocier, guidé par trois principes : 1) le respect de notre souveraineté ; 2) le respect sans entrave de l’État de droit, à commencer par le droit international ; 3) une approche constructive visant des résultats mutuellement avantageux. Les négociations visant l’avenir de la relation bilatérale doivent comprendre tous les volets de manière intégrée : commerce, sécurité, migration. Nous sommes conscients des limites à ne pas franchir et, dans notre cas, l’affaire du mur est clairement un sujet dont on n’est absolument pas disposé à discuter sous aucun angle. (…) En guise de conclusion, je dirai que nous attendons beaucoup des semaines à venir dans nos pourparlers avec les États-Unis. Quelle que soit l’issue des négociations, la diversification de nos échanges s’impose. À cet égard, le Mexique cherche à renforcer sa présence sur le continent européen en tant que pays stratégique, partenaire fiable et allié dans le cadre d’un large éventail de questions de l’agenda international. L’Union européenne est déjà le troisième partenaire commercial du Mexique, le deuxième investisseur et la deuxième source de touristes qui visitent notre pays. Dans ce contexte, une priorité de la politique extérieure est l’aboutissement de la négociation vouée à moderniser l’accord de libre-échange entre le Mexique et l’Union européenne. Le Mexique continuera à renforcer son développement interne en déployant une politique étrangère active et cohérente. Défendre le développement inclusif, par exemple, exige un rôle plus prononcé dans la lutte contre la pauvreté, la promotion des objectifs de développement durable, la création de nouveaux instruments de financement au développement ; lutter contre le changement climatique exige une action concerté sur le plan multilatéral ainsi qu’une politique interne cohérente de croissance verte ; défendre la paix et la sécurité internationales exige un engagement accru avec les OMP, le respect du droit international, l’appui à la protection des droits de l’Homme y compris les droits des migrants et une coopération étroite avec les Nations unies ! »
Julien Pompey pour #LeSorbonn@ute
© Photo / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Service Communication
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