S’excuser en politique requiert non seulement du courage, mais également et surtout une bonne stratégie afin de que le mea-culpa fonctionne correctement et efficacement. Un nouveau petit déjeuner de la Sorbonne a ainsi abordé ce sujet, particulièrement d’actualité ces derniers temps, vendredi 3 juin, dans l’amphithéâtre Lefebvre. Comme lors de chaque petit-déjeuner, les étudiants du master 2 Communication politique et sociale avaient convié différents intervenants de renom pour animer et alimenter ce débat : Ariane Chemin, journaliste grand reporter au Monde ; Cyril Graziani, journaliste au service politique de France Inter ; Emmanuel Rivière, directeur de la rubrique stratégie d’opinion chez TNS et chargé de cours à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; et Jérôme Batout, philosophe, psychanalyste et ancien conseiller en communication de Jean-Marc Ayrault à Matignon.
Le mea-culpa, un élément essentiel de la vie politique
Le mea-culpa est ainsi appréhendé, bien souvent, comme une stratégie de communication permettant à un homme politique d’atteindre et de toucher le citoyen, lors de la présentation de ses excuses. Des aveux de Jérôme Cahuzac à ‘l’affaire’ Denis Baupin, en passant par le discours déployé durant des mois par Alain Juppé, les compulsions de Nicolas Sarkozy, la gestion de crise de Dominique Strauss-Khan, le mea culpa est partout. "Il y a trois situations pouvant mener au mea-culpa : l’argent, comme dans le cas de l’affaire Cahuzac ; le sexe, comme dans le cas de DSK ; et l’action politique, à l’image des affaires de Nicolas Sarkozy ou d’Alain Juppé. Ce dernier type de mea culpa consiste à dire : ‘J’ai mal fait mon job, j’ai compris, mais reprenez-moi’…", synthétise Emmanuel Rivière. De son côté, Jérôme Batout se dit "frappé, dans la communication politique, par le fait que les mea-culpa entraînent une forte communication autour des personnages politiques… Cela forme un buzz !" Un mea-culpa peut, par conséquent, avoir des résultats relativement surprenants. "Il y a 6 mois, par exemple, Dominique Strauss-Kahn était dans le top 10 des personnalités politiques les plus attendues pour un grand retour", rappelle ainsi Emmanuel Rivière.
Les éléments d’un mea culpa fonctionnant correctement
Mais, pour être accepté et fonctionné, le mea-culpa doit comporter plusieurs éléments. "Il faut de la sympathie, de la compassion et de la sincérité pour toucher l’opinion publique. Le personnage politique doit aussi créer de l’émotion, mais aucune pitié. Le mea-culpa de Lionel Jospin, par exemple, a bien fonctionné : cet aveu de faiblesse, lors de son discours du 22 avril 2002, a touché et ému les téléspectateurs !", détaille Emmanuel Rivière. Une remarque sur laquelle Jérôme Batout a rebondi, affirmant : "Moi, ce qui me touche, ce n’est pas forcément la sincérité, mais c’est l’articulation entre l’aveu et la pénitence qui permet d’obtenir un bon mea-culpa. Lors d’aveux ou d’excuses politiques, les discours sont préparés, les personnalités sont rodées, mais la gestuelle peut trahir ! Les yeux, notamment, nous en disent beaucoup sur la sincérité des personnalités. Nous ne sommes pas tout le temps ‘photoshoppé’ et, avant d’être très bon à la télévision, il faut des années !"
Différentes techniques suivant le système médiatique
Un autre élément peut être très important quant à l’efficacité du méa-culpa : le choix du support. Emmanuel Rivière expose ainsi que Twitter n’est pas la meilleure idée. "Si la sincérité et l’empathie ne sont pas présentent lors d’excuses, le mea-culpa ne fonctionnera pas. Voilà pourquoi, sur Twitter, une excuse en 140 caractères me semble inconcevable !" Avant d’ajouter : "Le mea culpa est mieux à la radio : les hommes politiques maîtrisent davantage leur voix que leur gestuelle !"
D’autres éléments sont bien entendu prépondérants. Jérôme Batout met ainsi en avant deux techniques bien particulières. "Le système médiatique laisse aujourd’hui deux attitudes possibles : il y a soit le déni, en avouant jamais sa faute ; soit l’aveu, où l’on avoue immédiatement. Je reste convaincu par la thèse de la culpabilité primitive, et donc par la nécessité d’avouer immédiatement pour s’en sortir plus rapidement aux yeux de l’opinion publique. La technique du ‘N’avoue jamais’ ne tient plus dans le système médiatique actuel… Avant la principale qualité d’un politique était l’indifférence, aujourd’hui c’est l’empathie !" Cyril Graziani ajoute à ces deux techniques une troisième stratégie : "Celle du ‘Je me tais et on laisse passer l’orage’. Celle-ci peut fonctionner, mais seulement dans certaines circonstances !"
Carla Martin pour #LeSorbonnaute
© Photo / Université Paris 1 Panthéon-sorbonne - Service Communication
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