Depuis quatre ans désormais, la chaire Grands enjeux stratégiques contemporains s’inscrit dans le développement d’un projet pluridisciplinaire d’enseignement et de recherche sur la guerre et la paix, au sein de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Les activités de cette chaire, centrées sur un cycle de conférences délivrées par des professeurs de renom, s’insèrent en effet dans les programmes proposés aux étudiants de licence et de master de l’université. Elles sont aussi ouvertes à des officiers, des cadres de l’industrie… Le cycle de conférences 2017, qui a pour grande thématique "L’enjeu stratégique russe", a ainsi été inauguré par Elisabeth Guigou, Présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le 23 janvier dernier, dans un amphithéâtre Richelieu bien rempli pour aborder le sujet suivant : "Où va le monde ?" (vidéo sur la chaîne YouTube de l'université)
"Un très grand honneur de prononcer cette leçon inaugurale"
L’ancienne garde des Sceaux a tout d’abord exprimé sa fierté, en introduction, de présenter la leçon inaugurale de la Chaire Grands enjeux stratégiques contemporains dans un tel lieu. "C’est un très grand honneur de prononcer devant vous la leçon inaugurale de la Chaire dans cet amphithéâtre magnifique et prestigieux qui porte le nom d’un des plus grands premiers ministres de notre histoire. Vous savez qu’une des décisions les plus importantes du cardinal de Richelieu a été de refuser d’engager la France dans la guerre du Saint empire romain germanique contre les princes protestants d’Europe centrale. Il considérait que l’intérêt de la France n’était pas d’aider les Habsbourg à défendre leur empire contre la Réforme, et que cet intérêt devait primer sur la qualité de ‘fille ainée de l’Eglise’ du Royaume de France. Ainsi, la France est restée prudemment à l’écart de la Guerre de Trente ans, avant de s’engager aux côtés des princes protestants, ce qui lui a permis de devenir la puissance dominante du continent. A un moment où la religion joue un rôle excessif dans la vie internationale, il me parait utile de rappeler cette référence !"
"Un équilibre des forces et une légitimité"
Elisabeth Guigou est ensuite entrée dans le vif du sujet : "Je pense que la politique étrangère de notre pays ne peut être inspirée seulement par de froids calculs, mais doit aussi reposer sur des principes universels qui font sa singularité. Richelieu est une référence importante de la ‘Realpolitik’, qui consiste à analyser les rapports de force avant de prendre une décision, en ne tenant compte que du seul intérêt national. Cette référence est encore plus pertinente dans un monde où les fanatismes se répandent et menacent notre sécurité. Mais nous sommes aussi le pays de la révolution française, dont l’assemblée a adopté en 1792 une déclaration par laquelle la France s’engageait à porter secours à tous les peuples qui aspirent à recouvrer leur liberté. Bien entendu, chacun mesure les limites de cet engagement et les dégâts que ce messianisme a pu provoquer en Europe. Mais cette double référence, universelle et idéaliste, a toujours été une source d’inspiration de notre politique étrangère. (…) Pour ma part, je partage le point de vue de Henry Kissinger : un bon système international suppose à la fois un équilibre des forces, apprécié selon les critères de la Realpolitik, et une légitimité, c’est-à-dire un système de valeurs et des principes juridiques et moraux, qui fassent l’objet d’un consensus entre les acteurs internationaux."
"Un dialogue intensifié entre la Russie et la France"
Après avoir énoncé et détaillé tous les défis du monde contemporain devant nous encourager à partager, et non à se replier, Elisabeth Guigou a abordé la question de la Russie, au centre du cycle de conférences de la Chaire Grands enjeux stratégiques. "Il existe, entre le peuple russe et le peuple français, une amitié historique et des affinités évidentes, ressenties aussi bien au niveau des élites que par les opinions publiques", a-t-elle souligné. Avant de poursuivre : "Contrairement à ce que l’on tente parfois de faire croire à l’opinion, le dialogue n’a jamais été interrompu au cours des dernières années ; il s’est même intensifié. Les divergences fortes entre nos deux pays à propos de l’Ukraine et de la Syrie n’ont jamais conduit à une rupture. Par ailleurs, elles sont restées strictement cantonnées à ces deux sujets et n’ont pas contaminé la gestion des autres dossiers. Je pense, par exemple, à la conclusion de l’accord nucléaire avec l’Iran, qui n’aurait pas été possible sans des discussions approfondies avec les diplomates russes. Lors de ces discussions, d’ailleurs, la relation franco-russe a parfaitement fonctionné puisqu’elle a permis de rappeler aux Américains qu’un accord devait recevoir l’assentiment de toutes les parties."
"L’élément clé de ces crises, c’est l’enjeu démocratique"
Enfin, en guise de conclusion, Elisabeth Guigou a affirmé : "Il faudra, au cours des prochaines années, vivre avec cette donnée : la possibilité que la Russie, une nouvelle fois, ait recours à la force, à des actions militaires limitées, mais qui pourraient être très déstabilisatrices. Nous ne sommes pas face à un risque de guerre majeur, mais face à une source d’instabilité dans un monde qui en compte beaucoup d’autres. (…) La France doit être l’acteur majeur pour entraîner les Européens, afin de surmonter la crise de l’Union européenne, faire face au désengagement des Etats-Unis, créer un nouveau partenariat avec l’Afrique, et proposer la négociation d’un partenariat de sécurité avec la Russie. Finalement, l’élément clef de l’ensemble de ces crises, c’est l’enjeu démocratique. Cette préoccupation est au cœur de l’identité de l’Union européenne, au centre de ses valeurs et constituera sans doute l’épicentre de son action internationale future. Car les crises que nous observons à travers le monde ont pour point d’origine, ou pour aboutissement, la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes !"
Visionnez l'intervention d'Elisabeth Guigou sur la chaîne YouTube de l'université
Denis Anniel pour #LeSorbonn@ute
© Photo / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Service Communication
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