La web-série "Devenir archéologue" est un ambitieux projet de l'UFR d’histoire de l’art et d’archéologie (UFR 03) de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Le format court (5 à 7 min) et le mélange des genres, alternant interventions filmées, bribes d'animations et de bande dessinée, nous offrent des épisodes dynamiques, dont il est difficile de décrocher. Malgré son titre, cette série s'attèle moins à expliquer comment devenir archéologue qu'à présenter les différentes facettes de la discipline. Elle nous livre les rouages d'une archéologie moderne, vue par les yeux de ses nombreux protagonistes. Ceux-ci nous font découvrir leur spécialité, nous entraînent dans leurs recherches, bref illustrent une discipline aux savoirs riches et nombreux. Le moins qu'on puisse dire, c'est que cela fonctionne ! On se plaît à les suivre dans leurs "aventures" : chaque épisode réussit à susciter notre curiosité, et petit à petit, épisode après épisode, nous apprenons ce que signifie "être archéologue" !
Cette profession est, pour le meilleur et pour le pire, à jamais liée à la figure emblématique du Dr Indiana Jones, célèbre professeur d’archéologie et aventurier parcourant le monde entier à la recherche d'antiquités. A sa manière, la web-série nous fait suivre les archéologues sur leurs terrains d'étude, souvent éloignés, parfois même devenus inaccessibles, et ils nous portent de l'Amérique du sud à l'Egypte, dans des vidéos ayant la saveur de petits carnets de voyage. Quant aux trésors qu'on y découvre, ils sont certes moins spectaculaires que l'Arche d'Alliance (un nucleus de silex, un fragment de sarcophage, une lampe en terre cuite, etc…), mais ont tous leur histoire. C'est justement la tâche des archéologues que de faire parler ces objets anodins qui nous renseignent sur la communauté sociale qui les a produits.
Une discipline holmésienne : l'enquête archéologique
Chaque recherche prend ainsi la forme d'une enquête policière commençant avec la découverte d'un objet, ou même d'un défunt, qu'il convient d'interroger. Ces contextes doivent alors être analysés avec la rigueur propre à toute science : les faits sont étudiés et insérés à l'intérieur de typologies bien établies. On procède ensuite à l'élaboration d'hypothèses et on repart à la recherche d'indices pouvant les vérifier ou, au contraire, les infirmer. Il va sans dire que la démarche suivie par les archéologues est toujours l'occasion d'une réflexion d'ordre méthodologique sur la pertinence des protocoles spécifiques à chaque aire chrono-culturelle précise. Par ailleurs, la discipline ne peut être conçue qu'en termes de travail d'équipe, et cela nous est à juste titre sans cesse rappelé. L'archéologie se nourrit en effet des acquis scientifiques majeurs de notre époque, n'hésitant pas à recourir à l'appui des sciences dures ou aux modèles issus des autres sciences humaines et sociales. Tous ces aspects, qui viennent rappeler la richesse d'une discipline plurielle, sont illustrés ici par l'intermédiaire de cas d'étude ponctuels.
Un autre domaine où l'archéologue rejoint l'enquêteur est celui de l'expérimentation puisqu'il arrive souvent aux chercheurs de procéder à la reconstitution de "scènes de crime". L'archéologie expérimentale est monnaie courante et apporte - souvent mais pas toujours - des réponses quant au choix des matériaux ou des techniques de mise en œuvre, et elle ouvre parfois de toute nouvelles perspectives insoupçonnées. Après tout, l'absence de résultat est déjà en soi un résultat… Vus sous cet angle, les archéologues sont peut-être davantage les héritiers de Sherlock Holmes que ceux d'Indiana Jones !
L'archéologue, un terme unique pour une multitude de spécialités
Si la profession s'est vue résumée en une seule et même figure comme Indiana Jones, cette web-série nous rappelle bien la polysémie du terme d'archéologue et la richesse d'une discipline au croisement de laquelle convergent de nombreuses spécialités. Il ne s'agit pas uniquement d'une archéologie de l'objet, mais aussi de son contexte. L'absence de celui-ci, trop fréquent encore de nos jours, est toujours une perte considérable. L'archéologie est aussi celle des gestes, des techniques et même des territoires, dont l'étude fait appel à une multitude de savoirs. Devenir archéologue implique donc une grande diversité de connaissances et, par conséquent, une solide formation, couvrant plusieurs aires chronologiques et culturelles et initiant les futurs spécialistes aux instruments de recherche, toujours plus nombreux, désormais à leur disposition. On ne peut à ce titre que se féliciter du vaste choix que nous offrent les enseignements d'archéologie dispensés à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et qui reflètent pleinement la richesse de cette profession. A cette formation plurielle correspond logiquement une grande diversité de métiers répartis auprès de différentes institutions : le monde universitaire et le CNRS bien sûr, mais aussi les services archéologiques relevant de collectivités territoriales, d’institutions publiques (INRAP) ou de sociétés privées, et accueillant de nombreux spécialistes (en céramologie, palynologie, archéologie funéraire, etc.). Ainsi, ce sont toutes ces professions qui se fondent en un seul et même nom : archéologue.
Cette web-série touche donc le cœur même de l'archéologie, et la richesse de la discipline est loin d'être épuisée. Six épisodes sont d'ores et déjà accessibles sur la la chaîne YouTube de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et une quinzaine d'autres ont été réalisés. Les producteurs ont pensé la série comme un outil de divulgation de l'archéologie auprès du grand public et, en particulier, des jeunes lycéens qui s’interrogent sur les façons de la pratiquer. Par les médias sollicités d'une part mais plus encore grâce à la qualité filmique de la série, à sa réalisation attrayante s’adressant à n'importe quel curieux désirant découvrir l'archéologie du XXIème siècle.
Lucas Aniceto
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