Camille, Benjamin, Arnaud et Alexandre ont décidé, il y a moins d’un an, de se lancer dans la création d’une plateforme de mise en relation de professionnels du milieu juridique et d’étudiants en droit. Ces derniers pourront réaliser des prestations ponctuelles et rémunérées auprès d’avocats et de services juridiques d’entreprises, en présentiel ou à distance.
Comment vous est venue l’idée de créer une telle plateforme de prestations juridiques ?
"Tout a commencé à la fin du master. On s’est retrouvés dans un bar pour fêter la fin des examens. On parlait de nos dossiers de master 2 et de notre avenir : on était perdus ! Nos premières années à Paris n’avaient pas été évidentes : on avait beaucoup travaillé, les stages étaient difficiles à décrocher et finalement on se retrouvait là, à ne pas savoir trop quoi faire de nos quatre années de droit. De cette frustration est née l’idée de créer une plateforme pour rendre le droit plus accessible aux citoyens, dans leur quotidien, mais aussi faire émerger de nouvelles pratiques ainsi que de favoriser les échanges entre praticiens du droit et étudiants. Nous nous sommes en effet rendus compte qu’il y avait un vrai manque, que nous souhaitons aujourd’hui combler. Alors, au lieu d’évoluer individuellement, nous avons voulu porter ce message sur le marché pour montrer que le champ des possibles est ouvert, et qu’il ne faut pas en avoir peur !"
Pourquoi avoir décidé de créer maintenant votre entreprise, et ne pas avoir attendu la fin de vos études ?
"Le concept du ‘crowdconsulting’, soit le recours à l’intelligence collective, est de plus en plus répandu pour répondre à une demande. On entend aujourd’hui beaucoup parler de création de Legal startups, qui mettent en place des partenariats avec des professionnels du droit. Dans un tel contexte et face à de nombreux concurrents potentiels, il était évident que nous n’avions plus une minute à perdre ! Le marché était là, notre idée aussi, alors on s’est dit ‘allons-y’ ! Aussi, contrairement aux idées reçues, il est parfois plus aisé d’être entrepreneur lorsqu’on est étudiant : on a la chance d’être encadrés. De plus, le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a créé le statut national d’étudiant-entrepreneur, qui permet aux étudiants d’élaborer un projet entrepreneurial en leur permettant d’adapter leur emploi du temps afin de mener à bien leur projet. Il est même possible de valider des ECTS et de substituer le stage de fin d’étude par son projet. Par ailleurs, une telle expérience est surtout très formatrice : cela revient à appréhender concrètement les pratiques de nombreux domaines, sans se cantonner au seul domaine juridique. C’est un véritable défi, mais on a conscience que tout ce que l’on est en train de faire va nous servir à long terme, cela est très valorisant. Mais nous sommes avant tout portés par notre idée : nous voulons changer les choses. Notre plateforme est également destinée aux étudiants : en tant qu’étudiants nous-même, on est à même de comprendre les problématiques actuelles, c’est un cercle d’entraide vertueux !"
Jusqu’à présent, quelles ont été les différentes étapes traversées dans la création de votre entreprise ?
"Au départ, on était deux. Une fois qu’avait émergé l’idée, il a fallu trouver d’autres personnes intéressées. Contrairement à la majorité des startups aujourd’hui, plutôt que de penser à des catégories de personnes pour former cette équipe (business developer, designer…), nous avons décidé de nous regrouper selon nos affinités autour de cet objectif commun : la confiance et l’entente sont essentielles pour un tel challenge ! Nous sommes donc aujourd’hui clairement une équipe de juristes, ce qui n’est pas courant. Une fois l’équipe consolidée, on a créé un MOU (Memorandum of understanding), qui s’est ensuite transformé en pacte d’associés. Cela signifie que la société existe entre nous, mais n’a pas encore de personnalité juridique. Nous sommes aux prémices de notre entreprise ! Il a ensuite fallu faire preuve de pragmatisme. Il était difficile de savoir par où débuter. Nous avons commencé par faire une analyse SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities and Threats, ndlr) pour évaluer nos forces, nos faiblesses, les opportunités qui se présentent à nous, et les menaces susceptibles de peser sur notre future entreprise. C’est à ce moment-là qu’on a entendu parler du partenariat qui venait de se créer entre l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et l’incubateur Start-Up Innovation. Cet espace dédié à l’accompagnement des jeunes entrepreneurs est l’un des seuls qui acceptent des projets non encore formalisés. Cet incubateur accompagne une dizaine de projets par an, et le nôtre en fait partie ! Le dispositif nous permet de pouvoir intégrer les locaux de l’incubateur, de disposer d’un accompagnement de cinq mois et d’avoir accès à l’écosystème du campus-cluster Paris Innovation. Nous avons contracté une dette qu’on ne remboursera que si nous parvenons à un chiffre d’affaires satisfaisant. Ce système nous responsabilise énormément. Tout reste donc à faire mais nous sommes bien encadrés avec ce partenariat. Il a une réelle vocation pédagogique !"
Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?
"La création d’une entreprise est semée d’embuches. Ce qui est difficile, c’est de partir de rien ! Il faut à la fois être proactif, penser à tout, mais sans se disperser pour autant. Cela implique une grande rigueur. Il faut avoir un état d’esprit ouvert, qui colle à cela ! En tant que juristes, nous nous différencions sur cet aspect : notre esprit cartésien nous apporte une réelle valeur ajoutée ! Une autre difficulté consiste à sortir de l’ombre et à se lancer. Start-Up Innovation, qui a validé notre projet, nous a permis de faire ce premier pas ! Cela n’a pas été évident : monter sa boîte, c’est avoir une bonne idée, la mettre en forme, mais surtout savoir l’expliquer ! Une fois notre startup à son premier stade de développement, il a fallu vendre notre concept : "pitcher", c’est à dire convaincre, séduire nos futurs clients et investisseurs en leur exposant de la manière la plus percutante qu’il soit le résumé de notre projet. Là encore, c’est la synergie de l’équipe qui nous a permis de surmonter cette épreuve. Cette préparation prend du temps et lorsqu’on est en période d’examens, ce n’est pas toujours évident d’être sur tous les fronts ! Il y a aussi les moments de doutes, de découragement, auxquels il faut faire face. Il est nécessaire d’arriver à se motiver mutuellement et ne pas baisser les bras. Il faut aussi faire face à la peur que les gens ne croient pas en notre projet, c’est pourquoi nous adoptons une démarche positive pour défendre l’idée en laquelle nous croyons !"
Que vous apporte cette expérience au quotidien ?
"Cette expérience nous responsabilise énormément. Elle nous fait toucher à tout, et pas seulement au droit. Un jour, on est designer ; le lendemain, on doit s’improviser expert en économie… C’est très enrichissant et surtout particulièrement stimulant : on s’éclate ! Mais c’est aussi un challenge quotidien, tout se passe si vite. Nous avons aussi la chance de rencontrer d’autres entrepreneurs, de développer notre réseau et de bénéficier d’un vrai échange de compétences. C’est une expérience extraordinaire. Les bénéfices, on les voit déjà aujourd’hui, et on n’ose imaginer tout ce que cela apportera pour plus tard !"
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui ont envie d’entreprendre ?
"Just do it !"
Propos recueillis par Justine Ampen
Photo / DR
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