Invitée des professeurs d’Histoire nord-américaine de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Annick Foucrier et Nicolas Vaicbourdt, Stéphanie McCurry s’est récemment exprimée devant les étudiants de l’université. Au cœur de son propos : la considération des femmes dans la guerre de Sécession américaine. L’historienne a approché le sujet par une analogie surprenante : l’histoire des femmes et des afro-américains, tout du moins à cette période. Cela s’explique par le lien fort entre ces histoires et la famille. En effet, l’esclavage du XIXe siècle aux Etats-Unis est considéré comme une affaire familiale tout comme la femme inclut dans le mariage. Ces deux institutions peuvent être définies comme une relation familiale bienveillante dont le but est de protéger les faibles, ou comme une forme d’autorité illégitime conçue pour oppresser. Ces oppositions de point de vue reflètent la division entre pro et antiabolitionnistes dans la société américaine des années 1860. Or, la structure familiale est la base de tous les systèmes politiques, et les relations qui s’y lient ont des conséquences politiques directes. C’est dans ce sens que la question de l’esclavage s’est retrouvée au cœur de la guerre civile américaine, en 1861. En plaçant les femmes sur la même base que les esclaves, Stéphanie McCurry a mis en lumière l’importance de leur rôle dans la guerre.
Changement de considération des femmes
Alors que les femmes, au même titre que les enfants, étaient considérées dans un premier temps comme des ‘non-combattantes’, non responsables de la guerre, et donc innocentes, la distinction entre civils et combattants a évolué à partir de décembre 1862. Tandis qu’Abraham Lincoln préparait la déclaration d’émancipation, son gouvernement a confié au juriste Francis Lieber la tâche de rédiger un code de lois pour diriger l’armée. Mais, à partir du principe que la guerre s’effectue contre une population hostile, cette population entière est considérée comme résistante. Or, une clause du code de Lieber institue qu’en cas de trahison, il n’y a pas de distinction des genres. Les femmes sont alors devenues des ennemies de guerre… Et, par conséquent, les traitements les plus dures ont pu leur être administrés.
Mais, plus encore, leur rôle actif dans la guérilla menée aux frontières de la Confédération a été reconnu. Beaucoup étaient des espionnes ou des détectives, la présomption initiale de leur innocence leur permettant de transporter des informations sans être soupçonnées, comme ce fût le cas de Clara Judd, arrêtée dans le Tennessee. Elles ont aussi mené des soldats dans des embuscades, pratiquer le sabotage, jusqu’à combattre elles-mêmes. Les exemples ne sont pas rares, dans l’Histoire, de ces moments où les femmes se sont battues : durant la guerre d’unification italienne, dans la guerre civile espagnole, pendant la guerre civile d’Algérie, mais aussi pendant la guerre de Sécession…
La guerre civile américaine, moment d’évolution important
Enfin, la question de l’émancipation des femmes a vu le retour de l’analogie avec la question afro-américaine. Tandis que les esclaves ont, pour certains, gagné leur indépendance par la participation à la guerre, les femmes n’ont pas bénéficié de cette impulsion. La guerre civile américaine a été vue comme un moment d’évolution particulièrement important dans la conquête de la liberté et des droits civils par les afro-américains puisque, afin d’affaiblir la Confédération, Abraham Lincoln a prononcé la déclaration d’émancipation des esclaves du Sud, en 1862. Cependant, Stéphanie McCurry insiste sur le fait qu’ils avaient été très peu à participer dans l’armée, toujours aux postes les plus bas. Les femmes, elles, ont reçu l’émancipation de leur mari comme un cadeau. Les femmes noires étaient vues comme de simples ‘déchets’ alors même que, sur les plantations, elles furent les actrices principales des révoltes. Mais, une nouvelle fois reléguées derrière les hommes dès la guerre terminée, l’histoire des femmes reste un sujet peu connu…
Une place cruciale mais… ignorée
Les femmes ont eu, au final, en règle générale, une place difficile dans l’histoire. Mais il est choquant que, de nos jours, l’on ne sache que très peu de choses sur leur histoire et sur la manière dont elles l’ont vécues. Particulièrement pendant les guerres, il est fréquent que les femmes adoptent des positions clés de résistantes, bien que leur rôle soit oublié dès la fin du conflit. Le pouvoir des hommes sur les femmes semble si naturel, d’après Stéphanie McCurry, comme si cette hiérarchie était légitime. Pourtant, il y aurait beaucoup à apprendre en confrontant les points de vue des genres à travers l’histoire. Pour la professeur à l’université de Columbia, la vision des femmes sur le futur a largement influencé comment les hommes et les Etats ont fait l’histoire, ainsi que la construction du monde moderne. Ce décalage est encore plus marquant pour une historienne américaine !
Claudia Lacave pour #LeSorbonn@ute
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