Mélanie Doerflinger est une étudiante de 20 ans mais également une jeune femme curieuse, pour qui le droit à l’information est fondamental. Propulsée dans les médias du jour au lendemain, elle a su susciter l’intérêt des plus grands médias français tels que Le Petit Journal ou BFMTV. Et pour cause : en juillet 2015, elle a décidé de lancer une pétition pour que plusieurs grandes marques, à l’image de Tampax et Always, dévoilent enfin la composition de leurs produits utilisés par un grand nombre de femmes en France. Aujourd’hui, sa pétition “#BonjourTampaxOùEstLaCompositionDeVosTampons” compte plus de 200 000 signataires sur la plateforme Change.org, et bénéficie du soutien de 60 Millions de Consommateurs.
Une volonté à toute épreuve
Face aux réactions d’internautes parfois incongrus, l’étudiante reste implacable et déterminée à obtenir des réponses. Elle explique que certains hommes ont pris cela à la rigolade. Mais c’est surtout le laxisme de nombreuses jeunes femmes qui l’ont choqué. Ces dernières mettaient en avant le fait de n’avoir ressenti aucun effet secondaire suite à l’utilisation de ces produits… Pourtant, plusieurs cas d’infections ont été recensés par le Centre national de référence (CNR) des staphylocoques. Selon Mélanie, ce n’est pas une question qui touche uniquement les femmes : beaucoup d’hommes se sentent indirectement concernés parce qu’ils ont une fille, une sœur, une femme… Elle confie néanmoins que, "au début, c'était la galère. En juillet, j'avais à peine 300 signatures, les gens s’en fichaient. Pour autant, je suis allé prêcher sur Facebook… J'avais déjà cette sensibilité de me renseigner sur la composition des produits cosmétiques par curiosité. Je fais attention à ces choses lorsque j'achète un produit, ayant un père qui travaille dans la chimie." De plus, la jeune femme explique avoir été touchée par la tragique histoire de Lauren Wasser, une jeune mannequin américaine dont la jambe a été amputée suite à une infection appelée syndrome choc toxique (SCT), liée à la composition chimique d’un tampon.
Un véritable parcours du combattant
Pour avoir des réponses, Mélanie décide d’interpeller une grande marque sur les réseaux sociaux. On l’invite alors à prendre connaissance du schéma que l’on peut trouver sur les boîtes des produits concernés. Elle précise alors vouloir des informations sur les matières premières et le processus de fabrication. "Mais ils m’ont laissé poireauter… ", confie-t-elle. "C’est là que le parcours du combattant a commencé : quand j'ai appelé le numéro consommateur, une personne m’a clairement dit qu’ils avaient des consignes et n’avaient pas le droit de parler des personnes ayant entraîné des infections !"
Toutes ces incertitudes et ces "cachotteries", comme elle le dit, n’ont fait qu’accentuer sa curiosité et sa détermination à recueillir des informations. Consciente que le chemin sera long, elle semble lucide quant au combat qui l’attend. "Au niveau juridique, les marques ne sont pas responsables : elles ont fait ce qu’il fallait. Ils sont intouchables pour le syndrome choc toxique." Désormais, la jeune femme espère une nouvelle réglementation autour de la composition des produits hygiéniques, avec un cahier des charges précis. Elle rappelle que, pour les produits biologiques, il y a un cahier des charges à respecter, mais pas pour les produits hygiéniques. "Ce n'est pas normal ! ", ajoute-t-elle.
Le silence est dangereux pour la santé
Voyant le nombre de signataires augmenté de jour en jour, Mélanie décide d’envoyer un courrier à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des droits des femmes. "Elle m’a répondu qu’il y avait une législation en cours, mais que cela se passait au niveau européen. Cette affaire est en rapport avec le droit du travail et la répression des fraudes, c'est dire où on en est ! Je me suis tournée vers elle parce que, aujourd’hui, ces produits n’ont pas de statut juridique. Je ne condamne pas le moyen : si j’ai fait cette pétition, c'est pour que les femmes puissent avoir des réponses et que, lorsqu’elles mettent des tampons ou des serviettes, cela soit aussi sûr que les autres moyens qu’elles peuvent choisir. Ce qui est dangereux, c’est le silence, pas le produit, on ne sait rien !" Il est vrai qu'il n'y avait pas eu de recherches sur les conséquences des dioxines dans les parties génitales. Les scientifiques ont laissé cela de côté, selon l'étudiante, qui s’étonne de l’immobilisme des gynécologues, invisibles dans l’espace médiatique. Par ailleurs, plusieurs marques sont pointées du doigt par Mélanie, dont une ayant lancé le retrait, "par précaution", le 24 février dernier, de plusieurs produits : 3 100 en tout, dont 1200 en France et au Canada, après la découverte de résidus de glyphosate. Suite à cela, une enquête auprès des fournisseurs de matières premières situés essentiellement en Inde et aux Etats-Unis a été lancée. Les choses semblent donc avancées dans le bon sens et Mélanie fait partie de cette nouvelle génération de lanceurs d’alertes qui permettent aux consommateurs d’en savoir toujours plus pour le bien de leur santé.
"La journée de la femme, c’est tous les jours"
Consciente que la lutte sera rude, elle confie faire attention à ce qu’elle dit car, face à elle, se tiennent des multinationales et industriels puissants, "J’essaie de la jouer fine", explique-t-elle. C’est par le soutien des signataires qu’elle a pu se construire une légitimité, malgré son jeune âge. Sans se prononcer sur le fait de mettre des tampons ou non, elle répond qu’elle n’est "pas là pour ça. Il faut faire attention, je veux juste alerter les gens !" Elle a bien entendu suivi le débat sur la taxe tampon, et s’offusque que les produits hygiéniques ne soit pas considérés comme des produits de premières nécessités. Elle veut souligner ce vide juridique qui n’a que trop duré selon elle. Pour le moment, elle patiente jusqu’au 10 mars pour le rendez-vous qu’elle a obtenu avec un des membres du bureau environnement extérieur et produits chimiques, mais reste sur ses réserves. "Tant qu’il n’y a pas d’arbitre, rien n’est sûr !" Motivée pour faire avancer les choses en matières de droits des femmes, Mélanie Doerflinger a d’ailleurs participé, le 8 mars, à la conférence “365 journées des femmes - Mobilisation en ligne”. D’après elle, "la journée de la femme, c’est tous les jours !"
Emilie Mendy
© Photo / Emilie Mendy
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