Chaque matin, à 9h40, vous pouvez écouter Sonia Devillers parler de la vie des médias dans l’Instant M, sur France Inter. Ce que vous savez peut-être moins, c’est qu’elle a étudié la philosophie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ainsi, lorsqu’elle revient sur ses années de maîtrise, Sonia évoque une ébullition intellectuelle, véritablement communicatrice. On se passionne avec elle pour l’esthétique et les notions d’espace et de temps chez Bergson, qu’elle a appliquées à la sculpture contemporaine dans son mémoire.
Ce monde conceptuel vertigineux lui a été ouvert par la rencontre avec une professeure, Anne Moeglin-Delcroix. « Elle avait une vraie capacité à lier à la fois l’histoire de l’art, la philosophie esthétique - on maniait des concepts très pointus - et une lecture politique, indissociable des grandes ruptures dans l’art », raconte Sonia Devillers, avec une nostalgie palpable. Cet amour intellectuel que l’on décèle rapidement, pourquoi l’avoir quitté ? La présentatrice l’admet : « c’est un grand regret de ne pas avoir fait une thèse avec elle ! »
Agrégation, préparations, hésitations…
Dans le même temps, Sonia Devillers retient un grand ennui de ces années en philosophie. Juste après l’intensité épuisante et jubilatoire de la classe prépa, juste avant de se lancer dans un mémoire passionnant, elle se retrouve perdue dans l’immensité de l’université, avec quelques heures de cours seulement par semaine. « C’était désespérément vide comme cursus… », confie-t-elle. Sans passion, elle fait des allers retours entre le monde universitaire et les stages en journalisme. Mais Sonia Devillers l’avoue volontiers aujourd’hui : « J’étais une très bonne élève : pas une seconde, je me suis sentie partir de ça. Je n’avais aucune vocation journalistique ! »
Quelques années plus tard, c’est donc tout logiquement la perspective de l’agrégation qui s’ouvre à elle. Mais, en pleine préparation, l’étudiante modèle prend conscience de l’avenir qui s’ouvre à elle. Elle refuse alors ce qui lui apparait comme un enfermement, et décide de bifurquer vers le journalisme. En un instant, elle change de vie avec autant d’impulsivité qu’elle est aujourd’hui franche et lucide. Elle n’a pas de projet précis, mais elle est portée par la force d’une évidence. « Ce que j’ai appris en préparant l’ENS, c’est qu’un concours : il faut savoir pourquoi on le prépare… Dès lors, soit on le prépare à 300 %, soit on ne le fait pas ! », professe-t-elle.
Et si c’était à refaire ?
La jeune journaliste est stagiaire pendant un an au service culture du Figaro, où elle ne s’épanouit que très peu. « Mes parents ne m’ont pas adressé la parole pendant plusieurs mois : ils étaient complètement désespérés de savoir que j’abordais un métier sans avoir fait une formation dédiée… », révèle-t-elle aujourd’hui. Nouveau changement par la suite : la jeune stagiaire rencontre le rédacteur en chef des pages Médias du quotidien. Elle y restera dix ans. Sonia Devillers estime qu’elle fait partie de la dernière génération à entrer dans le journalisme sans y avoir été formée dans ses études. Elle admet également, à demi-mots, le corporatisme d’une profession qui se reproduit via des écoles spécifiques. Mais l’ancienne étudiante en philosophie voit une continuité évidente entre son passé et la méthode avec laquelle elle conçoit son émission. « Il faut angler un sujet, et ensuite organiser la chronologie des étapes dans lesquelles il faut l’aborder. Cela, je l’ai appris en prépa », souligne-t-elle.
Il faut écouter son émission, la passion que met Sonia Devillers à interroger journalistes, présentateurs, universitaires, artistes, pour y déceler son amour des regards larges et de l’approfondissement. Son parcours a connu une rupture apparente, mais la journaliste ne fait que poursuivre ailleurs ce qu’elle a appris et aimé là. Et si c’était à refaire ? Peut-on sans regrets, lorsque l’on a connu l’émotion vertigineuse du maniement des concepts, se satisfaire de l’émotion non moindre, mais très différente, de la polyvalence et de la fugacité du journalisme ? Sonia Devillers l’avoue très clairement : « Cela me manque parce que ça me mettait le cerveau en ébullition ». Mais elle analyse également, avec sagesse, qu’il y a dans tout parcours « deux choses indissociables : une part d’apprentissage et une part d’acquisition de la maturité. Je n’étais pas capable de travailler seule. On ne peut pas refaire les choses autrement ! »
Matthieu Febvre-Issaly pour #LeSorbonn@ute
© Photo / France Inter
Inès Picaud-Larrandart, étudiante en master 2 recherche art et création internationale, s’est...
Entre la performance et l’installation, l’artiste Christian Jaccard revendique son statut de...
L'équipe du Master 2 Banque-Finance - Université Paris I Panthéon-Sorbonne est montée sur la...
Trois docteures de l’université ont été récemment récompensées pour leurs travaux. Retour sur ces...