Il y a 110 ans, le 5 novembre 1906 très exactement, Marie Curie présentait sa leçon inaugurale dans l’amphithéâtre de physique, désormais baptisé ‘Lefebvre’, en Sorbonne. Il s’agissait alors d’une grande première : une femme professeure titulaire dans une université française ! Ce véritable événement attira un très large auditoire, composé de politiques, de comtesses, de professeurs, ainsi que de simples curieux souhaitant assister à cette leçon historique.
En l’honneur du 110ème anniversaire de cette leçon inaugurale, une grande conférence a été organisée par le master 2 IMT (Innovation et Management des Technologies), avec pour thématique : "Le rôle de la science fondamentale à l’origine de l’innovation". A cette occasion, plusieurs invités de renom ont été conviés, à commencer par Pierre Joliot, biologiste, petit-fils de Pierre et Marie Curie, fils de Frédéric Joliot et d’Irène Joliot-Curie, mais aussi Sylvie Brémond, co-fondatrice de Pink’Inno, Christine Petit, professeur au Collège de France, Agnès Bernet, professeur des universités, ainsi que Marc Giget, de l’Académie des Technologies et Président de l’Institut Européen de Stratégies Créatives et d’Innovation.
"Une efficacité extraordinaire sur le plan scientifique"
Après une introduction par Florent Pralong, le directeur de la mention Management de l’innovation de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Pierre Joliot a mené la première intervention. "Je voudrais tout d’abord vous dire à quel point je suis heureux d’être avec vous. J’ai participé à un nombre incalculable de cérémonies en l’honneur de Marie Curie et, aujourd’hui, j’ai le plaisir d’intervenir dans cette réunion organisée par des étudiants, avec un âge moyen dans cet amphithéâtre qui tranche grandement avec ce que je peux voir régulièrement… Je suis très sensible à cette initiative !", a-t-il indiqué pour commencer. "Nous sommes là, en partie, pour honorer la mémoire de Marie Curie, qui a eu un rôle tout à fait décisif dans la promotion des femmes à des carrières scientifiques. Je pense, cependant, que cette réussite était liée à un couple exceptionnel, Pierre Curie étant l’auteur de découvertes essentielles. Ce dernier avait initialement décidé de ne pas se marier, pensant qu’il ne trouverait jamais une compagne ou une épouse pouvant accepter sa passion pour la recherche… Mais, lorsqu’il a rencontré Marie, il a tout de suite compris que c’était possible. Ils ont ainsi formé un couple réellement exceptionnel, d’une efficacité extraordinaire sur le plan scientifique, et je pense qu’il faut garder cette image à l’esprit", ajoute le petit-fils de Pierre et Marie Curie.
"La recherche fondamentale doit être libre !"
Pierre Joliot, qui est également professeur honoraire au Collège de France, titulaire de la chaire de bioénergétique cellulaire, et membre de l’Académie des sciences, a aussi précisé qu’on "peut se rendre compte de cette liaison étroite entre ces deux chercheurs d’exception. Par exemple, quand Marie Curie a fait sa leçon inaugurale, en Sorbonne, elle a décidé symboliquement de reprendre le cours enseigné par Pierre, qui était titulaire de la chaire de physique, sans aucune interruption suite à sa mort tragique !"
Enfin, il a conclu son intervention en insistant sur le fait que, "pour Pierre comme Marie, mais également Irène et Frédéric, à l’origine de tout, il y a une recherche fondamentalement libre. Ceci est très important ! Les choix des sujets ne doivent pas être gouvernés par l’aval, c’est-à-dire l’innovation. Par contre, dès qu’ils ont fait des découvertes, ils ont tout de suite décidé de partager ces connaissances nouvelles vers des applications utiles à l’homme. Il faut donc faire la distinction entre la recherche appliquée et l’innovation. La recherche fondamentale doit être libre, tandis que la recherche appliquée doit être pilotée pour servir réellement le bien de l’humanité, ce qui n’est pas toujours le cas…"
"La science a pour but de combler les lacunes de la connaissance"
Christine Petit a ensuite pris la parole. "L’œuvre et la vie de Marie Curie éclairent le chemin des jeunes femmes, qui sentent un désir et un rêve de science. Scientifique exceptionnelle, femme, mère et étrangère, Marie Curie porte de génération en génération un message brulant d’actualité pour bien des femmes dans le monde", a tout d’abord souligné cette professeur au Collège de France, responsable de l’unité de Génétique et physiologie de l’audition, et directrice de recherche Inserm. Avant d’ajouter : "La science a pour but de combler les lacunes de la connaissance. Elle procède de l’irrésistible désir des femmes et des hommes de comprendre. Gaston Bachelard disait : connaître ne peut éveiller qu’un seul désir, connaître davantage, connaître mieux. L’innovation, quant à elle, qu’elle se situe dans le développement d’un concept, d’une innovation, d’un produit ou d’une technologie, implique un partage avec un public, et s’inscrit donc dans un cadre sociétal. En cela, elle se distingue de la science !"
"Marie Curie représente un véritable emblème"
Agnès Bernet a par la suite pris le relai, en expliquant notamment les raisons pour lesquelles elle avait été lauréate du Prix Irène Joliot Curie, dans la catégorie ‘Femme, recherche et entreprise’, et en mettant en avant : "Je suis ici pour dire à toutes les femmes que l’on peut très bien être chercheuse et avoir quatre enfants. J’encourage tous nos jeunes à essayer, à aller de l’avant, en se disant que la route n’est pas si longue et que, finalement, cela peut être moins compliqué qu’envisagé !"
Pour sa part, Sylvie Brémond, cofondatrice de Pink Inno, a souligné : "Parmi les femmes innovatrices, une femme sort très souvent : Marie Curie, qui représente un véritable emblème et qui a transformé son génie pour faire évoluer l’humanité. L’innovation est ma passion, ma conviction, et la Sorbonne est un temple de l’intelligence, de la science et des idées !"
"La France, une référence mondiale en matière de recherche"
Enfin, Marc Giget, de l’Académie des Technologies, Président de l’Institut Européen de Stratégies Créatives et d’Innovation, a expliqué par l’intermédiaire de nombreux chiffres et exemples que "la France est une référence mondiale en matière de recherche. La main tendue de la science vers la société est un sujet extrêmement important, et je voudrais dire quelques mots sur la manière dont la recherche a évolué. Il y a près d’un million de chercheurs supplémentaires chaque année, et 90 % viennent de Chine, d’Inde… Pour donner une idée, la Chine compte 1,6 million de chercheurs et veut passer très vite à 3,5 millions. L’inde est également sur le coup. 15 millions de chercheurs sont ainsi recensés dans le monde désormais, 110 000 articles scientifiques sont publiés par jour, plus de 2 millions de brevets ont été accordés cette année, 1700 milliards de dollars sont consacrés à la recherche. Il y a un rythme effréné dû à l’Asie et aux pays émergents. Dans le même temps, on a identifié, par exemple, 487 laboratoire travaillant sur un même sujet ! On a un peu moins de 1% de brevets qui débouchent finalement sur une innovation… On a donc beaucoup de pertes en ligne : peu de choses peuvent être développées, avec un blocage dans le monde de la science !"
Denis Anniel pour #LeSorbonnaute
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