Autour de Paris et ses ruines, commentaire par Eric Fournier
Cet ouvrage est représentatif d’une abondante littérature versaillaise qui, en insistant sur les destructions de Paris, légitime la répression tout en s’efforçant d’aider les Parisiens à sortir du temps de la guerre en les invitant à céder à la poétique des ruines dans une ville ravagée. Fin connaisseur de la capitale sur laquelle il a publié plusieurs ouvrages, Victor Fournel participe pleinement des représentations des vainqueurs et dépeint sans originalité les Communards comme une « abominable armée », des « Sardanapales du ruisseau » incendiant méthodiquement la « capitale incontestée de l’univers ». Puis, décrivant ces ruines impromptues, il s’inscrit dans une production originale, celle des guides touristiques de Paris en ruines, lorsqu’il propose au chapitre VII une « promenade à travers les ruines », entre flânerie érudite et déambulation édifiante. Victor Fournel excelle à articuler différentes temporalités dans son récit. Il décrit minutieusement, en antiquaire, l’histoire et l’aspect de chaque bâtiment ruiné afin de conjurer la mutilation d’un patrimoine inégalable ; met en scène la destruction de Paris ; avant d’inviter à la renaissance de la ville par la pratique renouvelée de la promenade tout en s’interrogeant sur le futur des ruines les plus exemplaires, comme celles de l’hôtel de ville. S’inscrivant également dans ce balancement entre un passé regretté, un présent angoissant et un futur incertain, les nombreuses lithographies illustrant l’ouvrage alternent images d’un Paris impérial appelé à renaître et scènes de la ville en feu.
La principale originalité de Victor Fournel est de louer explicitement le Paris haussmannien. « L’épopée haussmannienne » en avait fait une ville de « splendeur [et de] munificence », affirme-t-il dès l’introduction. Or, en 1865, dans Paris nouveau et Paris futur, il était l’un des plus vifs critiques du préfet. L’évolution de son opinion souligne que les incendies de Paris ont contribué à consacrer la rénovation impériale aux yeux d’érudits traumatisés par la Commune de 1871.
Eric Fournier
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