Biosex » Programme ANR
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Présentation

 

Le projet BIOSEX est un programme de recherche, financé par l'ANR (Agence Nationale de la Recherche) pour trois ans (2007-2010), dans le cadre de son appel d'offres « Jeunes chercheuses/cheurs » (ANR-07-JCJC-0073-01).

 

Il consiste en une étude d'histoire et philosophie des sciences sur l'objet « sexe », sa constitution et son traitement dans les sciences biomédicales modernes et contemporaines. Son originalité se situe dans le croisement d'une approche épistémologique et historique, en langue française, d'un thème, jusque-là traité principalement dans des travaux sociologiques et psychologiques et dans des publications majoritairement en langue anglaise.

L'ambition du projet est double : introduire en France les recherches épistémologiques sur le sexe ; opérer un rapprochement et permettre des échanges entre les études de genre (Gender studies) et l'étude conceptuelle des sciences biologiques et médicales.

L'option méthodologique principale consiste en une étude philosophique et historique des concepts biologiques qui formulent la différence sexuelle ou y recourent comme schéma explicatif.

Pour analyser la manière dont la biologie et la médecine pensent le sexe, nous entendons procéder à une enquête sur les principaux concepts scientifiques mobilisés pour fonder le sexe : cela passe par l'analyse des différentes voies d'inscription du sexe dans les corps. Cette analyse est d'autant plus nécessaire que les interprétations sociologiques et psychologiques du sexe reposent en effet sur une biologisation implicite du sexe, présenté comme une « nature » incontournable. Pour échapper à cet impensé naturaliste des recherches sur le sexe et les sexualités, il importe donc d'en venir aux discours et aux pratiques biomédicaux eux-mêmes. Pour ce faire, loin de s'en tenir à la seule question des caractères sexuels (gonades, hormones, chromosomes), notre approche prend en compte les discours scientifiques sur la place de la reproduction sexuée dans le règne vivant en général : sa légitimation, sa comparaison avec d'autres modes de reproduction. Ainsi, notre étude s'inscrit dans la tradition d'une « biologie comparée », qui replacera le sexe dans le cadre plus ample des divers choix explorés par la nature, au cours de la phylogenèse. En outre, cette étude comparative prendra en compte le champ ouvert par la médecine (pathologies sexuelles), la sociobiologie et l'éthologie, inscrivant l'homme dans le cadre plus général d'une science normative du vivant.

 

Le projet s'articule autour de quatre axes principaux :

 

Fondation et historicité du sexe :

L'historicité du sexe tient à la quête de son fondement biologique ultime et infaillible ; fondement au nom duquel nombre de pratiques normalisatrices s'effectuent sur les corps (normes médicales, éthiques et politiques) et participent, en retour, de leur sexuation. BIOSEX entend revisiter l'histoire du sexe à l'aune des outils critiques de l'épistémologie historique en analysant les concepts fondamentaux mobilisés par les sciences biomédicales modernes pour donner la raison ultime de la différence sexuelle et les différents modèles proposés (gonadique, hormonal, génétique etc...). Nous développerons une épistémologie des sciences du « sexe », en interrogeant premièrement les divers modèles naturalistes de la définition du sexe et la question de sa naturalisation ; deuxièmement, la question du fondationnalisme de la démarche scientifique en matière de bi-catégorisation sexuelle.  Enfin, troisièmement, on se posera la question du réalisme en matière de sexe : dans quelle mesure l'identité chromosomique XX s'apparente t-elle au sexe « réel », quand le sexe « visible » peut être typiquement masculin ?

 

Évolutions du sexe:

La théorie néo-darwinienne entend expliquer pourquoi il y a des espèces sexuées.

Notre programme de recherche portera sur l'ensemble des explications données par les biologistes pour rendre raison du sexe : pourquoi l'évolution a employé le « détour » ou la « complication » de la reproduction sexuée, sachant qu'elle n'a pas fait ce choix pour la totalité des organismes et qu'elle laisse ouverte, pour certaines espèces, une alternative entre reproduction sexuée ou non sexuée ?

Nous étudierons la question de l'usage du sexe comme voie de reproduction. Il est par ailleurs éclairant d'aborder ces questions de biologie évolutionnaire sous l'angle de leurs effets dans les débats contemporains sur les usages du corps humain et sur celle de la procréation.

La différence sexuelle pose également un problème à la théorie de l'évolution dans la mesure où elle fait apparaître un ensemble de comportements dits « altruistes » et pose la question d'une sélection non plus individuelle, mais « de groupe ».

 

 

 

Le concept de sélection sexuelle et son rapport aux racismes - raciologie, racisme biologique, sociobiologie :

La différence duelle des sexes est approchée par le concept de sélection sexuelle en terme de succès reproductif et de « dimorphisme sexuel ». Les présupposés qui travaillent la description de la différence sexuelle doivent être interrogés.  On posera le problème de la compatibilité du concept de « sélection sexuelle » dans l'ensemble de la théorie de l'évolution. On explorera par là comment la différence sexuelle oblige l'évolutionnisme à une hypothèse supplémentaire qui met en péril sa cohérence interne.

On mettra cette question en perspective, en étudiant l'histoire des conceptions évolutionnistes de la différence sexuelle appliquées aux différentes « races » humaines (XVIIIe/XIXe). On montrera comment la différence sexuelle a été pensée comme un critère évolutionniste et partant comme une norme politico-culturelle : la moindre différenciation sexuelle, voire l'indifférenciation sexuelle prêtée aux populations dites « primitives », « dégénérées » ou « inférieures » constituant l'un des postulats majeurs du racisme biologique de la fin du XIXe siècle et de la sociobiologie. On étudiera le rapport au sein de l'histoire de l'anthropologie physique modernes et contemporaines des catégories de "sexe" et de "race".

 

 

Pathologisation de l'identité sexuelle - identités de genre et de sexualité :

L'ensemble des théories biologiques étudiées sera examiné à l'aune de ses applications médicales (physiopathologie, thérapeutique, psychiatrie). BIOSEX entend travailler sur cet axe en croisant les méthodes et les postulats de l'épistémologie historique de la médecine et ceux de la philosophie politique. Pour cela nous entendons revisiter l'histoire des sexualités , du genre et de leur pathologisation, entre autres à travers l'histoire de la gynécologie, de l'obstétrique ou de la psychiatrisation de l'identité sexuelle au cours de du XXème siècle. Enfin, dans le cadre d'une épistémologie de la « sexologie », nous entendons mener une recherche sur les rapports de l'expérimentation à la redéfinition du naturel et au contrôle social , en nous penchant plus spécifiquement sur le thème des études sur le comportement sexuel animal ( notamment la primatologie) et leurs transferts dans la psychiatrie et la psychologie du XXème siècle.

 

L'équipe réunie autour du projet est constituée sous la co-responsabilité du porteur du projet, Elsa Dorlin , philosophe, (MCF à l'université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et de Thierry Hoquet, philosophe, (MCF HDR à l'université de Paris 10 Nanterre) et de ses membres : Marion Thomas, historienne des sciences (MCF à l'université de Strasbourg), Céline Spector, philosophe ( MCF à l'université Bordeaux III) et Marie Gaille, philosophe (CERSES).

L'équipe a à charge, en plus de ce portail internet,  l'organisation de séminaires mensuels , de journées d'études et de colloques qui seront les lieux privilégiés pour confronter avec différent-e-s chercheur-e-s français-e-s et étranger-e-s, l'avancé des recherches des membres engagé-e-s dans le projet.  Nous travaillons également à la publication d'un recueil de textes majeurs, commentés et traduits en langue française. L'objectif du projet BIOSEX est à terme de pouvoir présenter sur la scène internationale les travaux les plus innovants concernant les quatre axes principaux défini ci-dessus.