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, contribution 40 - Emile Francis Short

fr(traduction)

Judge SHORT

J’avais indiqué aux organisateurs que j’allais parler du legs et de l’impact du Tribunal. Mais je me suis rendu compte que cela aurait donné lieu à une présentation académique, et donc, j’ai décidé d’y renoncer.

Je voudrais maintenant parler des systèmes de la common law et de la civil law en me basant sur les expériences que j’ai glanées et, surtout, sur la discussion que nous avons eue hier.

J’ai été formé en tant qu’avocat de la common law et je suis arrivé au TPIR nourri de cette tradition. Mais après avoir siégé dans certains procès, surtout les procès hautement compliqués et impliquant plusieurs accusés, nous avons eu à traiter de ces procès très complexes impliquant plusieurs personnes et de nombreuses questions. Et dans le système de la common law, le Procureur et la Défense mènent leurs propres enquêtes, des enquêtes très ouvertes, sans fin, lesquelles peuvent présenter ou utiliser, glaner des informations qu’ils ne vont pas utiliser dans le cadre de ces affaires complexes devant les tribunaux ad hoc.

Je me suis rendu compte que ce système a donné lieu à de très longs procès. Par exemple, toutes les questions qui ont été évoquées concernant les informations disculpatoires, la collecte d’informations au stade des enquêtes, je pense que ce sont là des questions qui seraient mieux résolues ou, à tout le moins, qu’on aurait pu éviter si l’on avait un système où il y avait un plus grand contrôle judiciaire de l’enquête et de la collecte des moyens de preuve.

À cet égard, je me suis penché sur la procédure en vigueur au niveau du Tribunal extraordinaire du Cambodge et je pense que c’est un modèle qui serait beaucoup plus approprié pour traiter de crimes internationaux. Car, dans ce système, l’enquête se fait par des procureurs qui la mènent pour voir si un crime a été commis et pour identifier des suspects ou des accusés. Puis, ils font une présentation aux juges, comme j’allais dire, des juges d’instruction qui doivent mener leurs enquêtes de manière impartiale, car ils doivent recevoir, collecter des informations accusatoires et disculpatoires. Donc, ils agissent plus ou moins dans l’intérêt de l’État, dans le seul et unique but de faire en sorte que la vérité ressorte.

Les suspects et les accusés, les victimes sont entendus, de même que les témoins experts. Et au cours de l’enquête par le juge d’instruction, les deux parties peuvent demander à ce dernier de mener d’autres enquêtes dans des domaines qu’elles considèrent comme importants. Et à la fin des enquêtes menées par cette espèce de juge d’instruction, toutes les parties sont satisfaites.

Mais il faut tenir compte du fait que ces juges d’instruction, comme je les appelle, sont au courant du type d’éléments de preuve qu’il faut, savent quel témoin retenir. Et, de ce fait, l’on a un système beaucoup plus efficace et efficient qui peut nous permettre d’aller au procès de manière tout aussi efficiente si une telle procédure est utilisée, de sorte que les moyens de preuve utilisés au procès ont été collectés par d’autres juges, des juges qui, ensuite, remettent le tout à cette espèce de juge d’instruction qui décide maintenant de ce qu’il faut retenir ou non.

Je fais ces observations même si j’appartiens à la common law et même si j’ai été fortement influencé par mon système, surtout lorsque je suis venu au TPIR. J’en suis arrivé à la conclusion que, à tout le moins, pour les cas hautement complexes en matière d’enquêtes, surtout lorsqu’il y a de nombreux accusés et de nombreuses questions, le modèle utilisé par le Tribunal extraordinaire du Cambodge serait beaucoup approprié, beaucoup plus efficace, beaucoup plus efficient lorsque l’on traite de crimes hautement importants.