De la Table des Matières à l’âge de l’indexation
Le texte numérique proposé dans la bibliothèque virtuelle du Centre d'histoire du XIXe siècle, est extrait d'une édition papier intitulée La Table des Matières et publiée aux éditions du Panama en 2007 (précédée d'une chronologie donnée sur Internet dans la revue électronique Solaris, établie en 1997).
Il inclut les portraits d'Hildegarde de Bingen (XIIe siècle), auteure et créatrice d'une encyclopédie des sciences naturelles embrassant une vision analogique du monde ; de Pierre de la Ramée (XVIe siècle), inventeur putatif du système de la table des matières, bijou de l'esprit déductif ; ou encore des initiateurs révolutionnaires, parfois anonymes, de la Bibliographie Universelle de la France (XVIIe siècle). Ceux-ci à l'aide des fiches de bibliothèques, nous offrent les commencements d'une méthode abductive de recherche de l'information. Ce procédé subsiste aux XIXe et XXe siècles grâce à de nouveaux outils comme la Classification Décimale Universelle (CDU) de Paul Otlet, préfigurant Internet et ses moteurs de recherche. Puis il est théorisé et professionnalisé dans la vision nouvelle de Suzanne Briet qui autorise l'indexation par " unité élémentaire ", nous dirions aujourd'hui par " ontologie " ou par " mots-clés " indépendants du support " livre ". En effet, il revient à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, alors que la maîtrise de la culture du livre imprimé au bout de quatre siècles est en passe d'être pleinement acquise, d'avoir effectué une révolution silencieuse : celle, précisément, de rompre et de détrôner les certitudes sur les fonctions établies du livre, les catalogues de bibliothèque et la classification allant du général au particulier. Le document et l'indexation sont en train de prendre le pas sur l'environnement " livre ".
Ecoutons les usagers en 1900 : " Mais mon cher, les livres, ça ne se fait plus ! ". André Siegfried, dans ses mémoires, parlait ainsi de son père comme de quelqu'un pour qui les livres ne jouaient plus aucun rôle. " Ce qui comptait à ses yeux, c'était le document, le rapport, la brochure utile, brève et concluante, le Journal officiel, bourré de discours d'affaires ", et le fils aurait pu ajouter à cette liste les dossiers documentaires, les enquêtes de terrain, les périodiques professionnels, techniques et scientifiques, les photos... Ces documents étaient consultables et consultés par son père, député, à la Bibliothèque du Centre de documentation du Musée Social, proche géographiquement du Parlement, car la bibliothèque de l'Assemblée Nationale ne lui fournissait pas les outils nécessaires à son travail.
Le mot de ″documentation″ voit le jour en 1870 et celui de " documentaliste " en 1930. Dorénavant, les documents font preuve en matière scientifique et judiciaire ; ils sont aussi revendiqués pour prendre la bonne décision économique, financière, sociale, en complément de l'expérience. Cependant, face à la confusion des journaux envahissant l'espace public, à la pression exercée par les États sur le citoyen et à la publicité croissante visant le consommateur, les emplois multiples du document restent fragiles. Pour observer les traces des changements successifs de formes et de mécanismes des outils de médiation des savoirs, le lecteur se voit convier, au sein de chaque récit biographique, à la fois à une promenade dans le temps mais aussi dans l'espace. L'image de la déambulation dans les jardins représente le trajet mental de celui ou de celle qui recherche l'information.
Voir aussi : Paul Otlet, ses prédécesseurs et continuateurs : Hildegarde de Bingen, Suzanne Briet, Alexandre Lenoir, Louis Moreri, Abbé Piau, Pierre de la Ramée", dans le roman La Table des matières, Sylvie Fayet-Scribe, publié en 2010 sur le site du Mundaneum*
* Le Mundaneum est un centre d’archives privées installé à Mons. Il préserve, conserve et valorise le patrimoine exceptionnel hérité de la fabuleuse histoire des outils d’organisation des connaissances et de la coopération internationale entamée par Paul Otlet et Henri Lafontaine sous le nom d’Office international de Bibliographie. Cette histoire unique, que l’on peut considérer aujourd’hui comme celle d’un Internet de papier, renferme des fonds porteurs de valeurs européennes et universelles. Le pacifisme, le féminisme et l’anarchisme en sont les thèmes les plus marquants pour l’instant. Mais d’autres découvertes ou recherches sont permises grâce à ces six kilomètres courant d’archives qui donnent un nouveau regard sur l’histoire culturelle, sociale et transnationale du XIXe et XXe siècle.
Hildegarde de Bingen
(1098-1179)
Alexis Wagnières
(XVIIIe siècle)