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Fabriquer le sexe, éduquer le genre

 

Partie 3 : De gender à genre : une traduction impossible ?

 

 

Par Eva Rodriguez - BIOSEX


Du côté français

 

A la même période (1955-1980), la distinction sexe/genre a du mal à entrer dans le vocabulaire médical français. Ceux et celles qui en font parfois mention, ne le font souvent qu'au détour d'une citation, quand ce n'est pas pour refuser purement et simplement cette distinction.

Nous l'avons montré, la distinction sexe/genre a été dans un premier temps un outil de normalisation des comportements masculin et féminin dans la clinique des intersexes. Elle s'ancre, nous le disions, dans une tradition scientifique de type behavioriste dont l'influence est peut-être moins représentée dans la France des années 1950 et 60 que dans les Etats-Unis de la Guerre froide et des « grandes enquêtes » de la sexologie scientifique et institutionnelle.

A ce propos, nous pouvons remarquer que John Money, malgré sa notoriété à l'époque, ne sera pas traduit en français[i], peu commenté et/ou cité, tandis que Stoller, le sera rapidement (sur Money et Stoller, voir Partie 2). L'approche psychanalytique de Stoller, qui l'amène à s'intéresser à la scène fantasmatique des patient-e-s présentant un « trouble de l'identité de genre », apparaît de ce côté-ci de l'Atlantique, bien plus digne d'intérêt que les expériences de type comportementalistes sur des enfants intersexes de Money. D'autre part, en France, le « transsexualisme » suscitera bien plus la curiosité (et les publications) des « psys »[ii] que « l'hermaphrodisme » qu'ils considèrent comme n'étant ni de leur domaine ni de leur ressort. Pour la majorité des psys, les intersexes ne présentent que rarement des troubles de l'identité ou de l'orientation sexuelle une fois un sexe assigné, ce qui n'en fait pas un objet d'étude « intéressant ». « Les états intersexuels posent rarement des problèmes de diagnostic épineux, les données cliniques, les bilans hormonaux, le caryotype résolvant rapidement la discussion. L'identité de genre correspond en général au sexe d'assignation. L'intérêt de ces états est surtout d'ordre théorique, soit dans le cadre de recherches comparées sur l'origine de la différenciation de l'identité psychosexuelle, soit dans le domaine médico-légal » (Breton, Frohwirth, Gorceix, 1987 :  9).[iii]

 Dans un article sur l'identité et les rôles sexuels, en 1962, Jean-Marc Alby, qui cite A. Ellis, L. Wilkins et l'article de J.Money et J. et J.  Hampson, remarque aussi qu' hors cas rarissimes, les enfants intersexes ont un comportement et une orientation sexuelle qui correspondent à ce qu'il appelle le « sexe éducatif ». Ce qui l'intéresse vraiment, d'un point de vue clinique, ce sont ces personnes qui demandent à changer de sexe, et pas tant ceux et celles qui ont un sexe biologique complexe à définir (Alby, 1962).

Alby est le premier, en France, à avoir fait une thèse en 1956 (sous la direction de Jean Delay) sur ce qu'il a appelé le « trans-sexualisme ». Avec ses collègues J. Delay, P. Deniker et R. Volmat, ils rédigent la même année un long article[iv] dans lequel ils reviennent en détail sur « le cas Henri », personne transsexuelle, bien connue dans la littérature médicale, entre autres, pour ses échanges épiques avec Jacques Lacan. [v]

 

 

Psychanalyse et genre

 

En France, c'est par la psychiatrie mais aussi par la psychanalyse que le transsexualisme fait son entrée sur la scène psy, beaucoup moins par la psychologie. Cela explique pourquoi le terme de genre a beaucoup de mal à faire son apparition, et pourquoi on lui préfère systématiquement, « rôle sexuel », « sexe éducatif », « sexe psychologique » ou encore « identité sexuelle » et « psychosexuelle » ou « sexuée ».

En effet, comme le souligne Patricia Mercader à propos du découpage sexe/genre  : « le développement de l'identité de genre est conçu comme linéaire, a-conflictuel, et pour une large part indépendant du développement psycho-sexuel de l'individu, au sens strict libidinal » (Mercader, 1991 : 81). Nous l'aurons compris cette distinction ne plait pas à tous les psychanalystes, dans le sens ou elle simplifie et affadit de manière outrageuse la complexité des modes d'identification sexuelle et peut même apparaître pour certain-e-s, en contradiction avec la théorie psychanalytique elle-même.

Concernant les personnes transsexuel-le-s, il est évident que l'immense majorité des psychanalystes, et surtout, en France, ceux et celles d'obédience lacanienne, trouveront délirant d'accéder à leurs demandes de changement de sexe. A propos du « transsexualisme », Lacan disait d'ailleurs,  « "le drame du  transsexuel c'est de confondre l'organe avec le signifiant". Et donc que faute de pouvoir résoudre ce drame dans le signifiant il tentera d'éliminer l'organe : version psychotique d'une évacuation de l'objet qui n'a pu se faire au départ » (Frignet, 2000 : 135). Il serait par conséquent absolument contre-indiqué de répondre positivement à cette demande, au risque de voir « le/la patiente souffrir d'une décompensation psychotique ». Rappelons enfin que, pour les lacaniens, « le transsexualisme » relève de la psychose, Lacan en dira même qu'il en est peut être l'exemple paradigmatique.[vi]

Aujourd'hui encore, que ce soit dans sa version behavioriste ou « pire encore » féministe, les psychanalystes de quelque école qu'ils soient, préfèrent ne pas utiliser le concept de genre, du moins dans ces acceptions. A la question que  pose Jean Laplanche[vii] de savoir si « introduire le genre en psychanalyse, est-ce pactiser avec ceux qui veulent affadir la découverte freudienne ? » (Laplanche, 2003 : 76), bon nombre répondraient en effet que « cette notion (le genre) qui semble désormais consacrée socialement, s'avère de peu de poids  pour rendre compte des processus psychiques qui concourent chez un sujet à construire ce qu'en psychologie on appelle l'identité sexuelle. Au fond, la notion de genre apparaît au psychanalyste trop simple, voir simpliste, et comme une réduction brutale de la richesse des enjeux sexués »( Foyentin, 2005 : 100-101).

La traduction de gender en « genre » semble dès lors compromise,  gender  étant étroitement associé à la clinique behavioriste états-unienne qui met en avant l'empreinte indélébile que laisse le conditionnement socio-éducatif des rôles masculin et féminin, en plus de s'être acoquinée avec l'endocrinologie.

Ainsi, dans les livres de Robert Stoller qui seront traduits et commentés en France, le terme de genre disparaîtra systématiquement des titres, au profit de « Masculin-féminin » (Stoller, 1989) pour Presentation of Gender, ou « identité sexuelle » (Stoller, 1978) pour Sex and Gender: On the Development of Masculinity and Femininity.

Colette Chiland, co-traductrice de  Presentation of gender et auteure de Robert Jesse Stoller, psychiatre et psychanalyste, systématiquement cité par ses pairs pour être une éminente spécialiste de la question « transsexuelle » depuis le milieu des années 1980 en France, justifie ce choix par le fait que la distinction en français implique de nier l'expérience somatique et biologique de la différence des sexes. «(...) on a depuis 1955 pris l'habitude de distinguer le « sexe » défini comme biologique et le « genre » défini comme social et psychologique. Je ne suivrais pas cette habitude, car elle s'accompagne encore trop souvent  de la conception que le genre est indépendant du sexe, qu'il est une pure invention de la société. (...) La société fabrique le masculin et le féminin à partir du mâle et du femelle.(...) Je parlerais donc d' «identité sexuée»» (Chiland, 2000 : 50-51).

Si aux Etats-Unis, le terme de genre venait en quelque sorte à la rescousse de la binarité du sexe remise en doute par les intersexes, homosexuel-le-s ou transsexuel-le-s, en France, cette dichotomie semble être sauvegardée par la négation pure et simple du fait qu'il puisse y avoir d'une part : autre chose qu'un sexe défini comme mâle ou femelle ; d'autre part une discordance entre l'orientation sexuelle ou l'identité sexuelle et le sexe. Cette discordance est nécessairement pathologique et devrait être soignée ou rectifiée, en aucun cas validée par un changement de sexe ou la reconnaissance d'une "identité autre" . Le genre paraît dès lors peu utile, et n'apporte pas grand chose à l'arsenal clinique et théorique qui existe déjà, bien au contraire, il risque de venir le perturber.

Par ailleurs, depuis que le terme de genre a été introduit en France dans sa dimension féministe, les psychanalystes le rejette encore plus du vocabulaire de leur clinique. « En effet, un autre trait de la pratique psychanalytique est qu'il ne s'agit pas d'une pratique collective : ainsi la dimension sociale de la domination d'un sexe sur l'autre tend à échapper au psychanalyste dans son exercice. (...) Si l'analyste peut prendre acte d'une guerre des sexes qui se joue sur la scène de l'intimité, l'oppression d'un sexe sur l'autre, collectivement, socialement, ne s'aborde que de façon  équivoque sur la scène de l'inconscient ». (Foyentin, 2005 : 98) . 

 

Psychiatrie et genre

Du côté des psychiatres ou des médecins en général, les difficultés à conceptualiser ce terme se font ressentir jusque dans les traductions écrites de gender. On ne trouve que rarement le concept de genre dans les articles médicaux et il n'est jamais ré-utilisé ou ré-approprié par ses auteur-e-s. Lorsqu'il y est fait référence, il est parfois même transformé.  Pourtant, si l'on en croit les bibliographies d'articles, les psychiatres ont en général une bonne connaissance de la littérature anglo-saxonne qui, à la même période, use et abuse du terme genre.

Dans un numéro spécial de la revue Gynécologie Pratique consacré au transsexualisme, datant de 1969, on peut voir par exemple dans l'avant-propos de J.E Marcel, comment gender identity clinic  devient « Center Identity Clinic » : « C'est pourquoi, les américains toujours aussi réalistes, ont créé à Baltimore le fameux « Center Identity Clinic » où  les conversions de sexe sont, maintenant, couramment réalisées » (Marcel, 1969 : 398).

 Un peu plus loin, les auteurs insistent (ce n'est donc pas simplement une faute d'orthographe) : « L'institut médical Johns Hopkins à Baltimore possède un Center Identity Clinic où sont transformés d'une manière courante des hommes en femmes et même ... des femmes en hommes » ( Marcel et Dubois, 1969 : 415). Traduit, Gender Identity Clinic devient ainsi dans l'article du Prof. Howard W. Jones : « Clinic d'Identité Spécialisée » (Jones, 1969 : 480). Ou encore, dans le texte de  P. Walser ces cliniques deviennent même des « comité d'identité sexuelle » (Walser, 1969 : 488).

Mais ça sera finalement dans la littérature psychiatrique, en France, que petit à petit le concept de genre va commencer à être employé, quoi que disons le tout de suite, l'usage de ce terme reste peu courant, à moins nous le verrons, qu'il ne soit accolé à « dysphorie » ou « trouble de l'identité » dans la clinique du « transsexualisme ».

Ce numéro de la revue Gynécologie Pratique s'ouvre sur cette présentation du Docteur J-E Marcel et pose assez bien le contexte français d'alors :

« Le transsexualisme, je l'avoue à ma honte, je ne le connais depuis longtemps. Je l'ai découvert à l'orée de l'été 68 en la personne d'une grande svelte et blonde (...) J'y pris un tel intérêt que je l'invitai à se présenter à ma consultation et (...) je l'hospitalisais afin, à la tête d'une équipe de Spécialistes, de « décortiquer » son cas (...).

Six mois plus tard, choqué par les résultats insolites de nos explorations endocrino-biologiques, je décidai avec mon collaborateur J.CL. Dubois, de les présenter à la Société Française de Gynécologie, espérant recevoir d'elle quelques instructifs éclaircissement.

A notre récit l'aimable compagnie sembla s'amuser fort mais discuta peu. Je n'obtins pas d'elle les réactions et les lumières que j'en espérais. Habituée à des sujets plus communément gynécologiques, elle m'apparut assez peu perméable à celui que nous lui proposions. La Société Médico-Psychologique devait se révéler infiniment plus réceptive » (Marcel, 1969 : 395).

Jusqu'au début des années soixante-dix, concernant « le transsexualisme »,  la littérature médicale française n'est pas abondante (elle deviendra considérable par la suite). Hormis les écrits des psychiatres de la Société Médico-Psychologique (dont le psychiatre le plus prolifique sera Marc Bourgeois), et ceux que nous avons déjà cités, Alby, Vague, Plichet, Delay, Lacan, Denikert, ou encore l'endocrinologue Klotz, le « transsexualisme » est perçu comme une pathologie rare à l'intérieur de l'hexagone.

Enfin et surtout, les échanges médicaux  tournent en rond. D'un côté on discute l'étude pionnière de 1955 de Worden et Marsh qui avait « fixé une image du transsexuel décisive dans la clinique, que Jean Delay, à l'époque un des plus influents psychiatres au monde, reprendra telle que : une caricature plus ou moins grotesque de l'autre sexe, sur le fond d'une existence paradoxale, ravaudée par un récit anamnestique peu fiable, et déchiré entre des exigences identificatoires inconciliables» (Castel, pas de date)[viii]. D'un autre côté, les psychiatres sont divisés entre ceux qui d'une part : continuent de voir le transsexualisme comme un délire classique de type « métamorphose sexuelle paranoïaque »[ix] ou comme « une psychose »  à laquelle il ne faut surtout pas répondre par la chirurgie ou les hormones. D'autre part, il y a ceux qui considèrent qu'il s'agit d'une pathologie sociale, qu'elle soit induite par les médias (la presse à sensation est systématiquement désignée comme responsable de l'augmentation des demandes de changements de sexe), par l'offre chirurgicale (certain-e-s parleront de « maladie iaotrogène ») ou par les conditions d'émancipation des femmes (nous l'aurons compris on ne parle que très rarement des transsexuels FTM et quasiment toujours des MTF). « Sur un autre plan, il n'est pas douteux que la société occidentale actuelle tend à se reconstituer sur un type matriarcal qui avait disparu depuis la guerre de Troie. (...) Plus ou moins mâtinés d'arabe, les latins y sont restés hostiles. Mais les peuples nordiques ne sont pas loin de l'adopter. Or c'est précisément de chez eux que viennent la plupart des cas de ce syndrome, au trois quarts représentés par des hommes désirant être féminisés» (Vague, 1956 : 950).

Jean Vague qui est un des premiers à se pencher sur ces « hommes qui désirent être transformés en femme » est assez original dans son genre car il est persuadé que lorsque l'on « ne néglige pas l'examen indispensable de la répartition graisseuse et des rapports osseux scapulo-pelviens, ces sujets s'avèrent rarement normaux (...) Nous croyons pouvoir affirmer que tous les sujets hommes et femmes, dont les goûts sexuels s'écartent nettement de la normale ont une structure corporelle également anormale, c'est-à-dire éloignée de la moyenne » (Vague, 1956 : 949). Il s'opposera d'ailleurs fermement aux demandes d' opérations chirurgicales ou aux prescriptions hormonales, par peur de voir « par milliers » affluer des demandes de la part des « près d'un million d'adultes en France dont la différenciation somatique est en désaccord avec celle des gonades et des voies génitales »( Vague, 1956 : 950). Ce «désir obsédant de changer de sexe» est pour lui « un mal ancien », « une conjonction de tares nerveuses et d'une différenciation sexuelle anarchique ». D'ailleurs, « ces tares sont beaucoup trop profondes et beaucoup trop généralisées pour qu'ils parviennent à devenir des femmes et des hommes normaux, des êtres dont nous voudrions parmi les nôtres. » L'article, pour une étude de type médicale, fait preuve d'une grande violence dans les propos envers les personnes souhaitant changer de sexe. Pourtant, cette étude de Jean Vague sera régulièrement citée comme une étude remarquable (Cf l'Avant propos du numéro de Gynécologie Pratique (Marcel, 1969)).

Pour beaucoup de psys et ce, jusqu'aujourd'hui, les transformations hormono-chirurgicales devraient donc être interdites car le fait de les autoriser et  d'accepter « (...) ce que l'on aura tendance à qualifier bientôt de conduite, de variation de la normale, ou de choix de vie, ce pour éviter le discours ségrégationniste et être "politiquement correct", c'est- à- dire pluraliste et relativiste, (...) respecter le droits des homosexuels, des africains, des femmes et des transsexuels » (Oppenheimer, 1996 : ) risque de nous entraîner  inévitablement dans une "psychose sociale" ainsi  que nous l'expliquera Agnès Oppenheimer.

 

En fait si durant les années 1950 et 1960, « le transsexualisme » commence tout de même à intéresser petit à petit les psychiatres, c'est qu'ils sont surtout inquiets de ce qui est en train de se passer aux Etats-Unis, où l'on commence à mettre en place des cliniques où seront pratiquées des changements de sexe, ainsi que « des protocoles » de soins dans lesquels les psychiatres sont amenés à jouer un rôle de premier plan.

 

Lire la suite de la Partie 3 : page 2.


Bibliographie

 

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[i] A notre connaissance, il n'existe qu'un article dans Sullerot, Evelyne (sous la dir.). 1978. Le fait féminin, Paris, Fayard.

Sexual signatures traduit au Canada : Money, John et Patricia Tucker. 1977. Êtes-vous un homme ou une femme ?, Montréal, La Presse. 

Deux traductions très récentes : Lovemaps : fantasmes sexuels, "cartes" affectives et perversion, Ed. Payot & Rivages, Paris, 2009 et également chez Payot en 2004 :  Au coeur de nos rêveries érotiques.

En 1985, on recense pourtant plus de 300 articles médicaux, 11 livres et environ 75 chapitres ou articles de livres rédigés par Money lui-même qui continuera d'être très prolifique jusqu'à la fin de sa vie (2006) . (American Psychological Association. 1986. « Distinguished Scientific Award for the Applications of Psychology: 1985 : John Money »,  American Psychologist Vol. 41, no. 4, 354-362)

 

[ii] Même si les distinctions entre les trois disciplines sont considérables, nous utiliserons l'abréviation « psys » pour désigner les psychiatres, psychanalystes et psychologues.

 

[iii]. Notons que cet article est daté de 1987, ce qui explique l'emploie de concepts comme « dysphorie de genre » ou « identité de genre » ce qui était exceptionnel avant le début des années 1980 en France. Nous en reparlerons dans la deuxième section de la présente partie .

 

[iv] Delay, Jean, Deniker Pierre, Volmat R. et Alby, Jean-Marc. 1956. « Une demande de changement de sexe: le trans-sexualisme », L'encéphale 45:41-80.

 

[v] Retranscrit en partie dans Alby, Jean-Marc (coll.). 1996. Sur l'identité sexuelle: à propos du transsexualisme , Paris,   Editions de l'association freudienne internationale. 

 

[vi] "Faute du nouage du réel et de l'imaginaire par le symbolique qu'implique l'identité sexuelle, il est impossible à un être parlant d' occuper une position un tant soit peu arrimée à la communauté de ses semblables. Du coup, en ce qui concerne l'identité, le transsexuel n'a pas d'autre choix que de s'en remettre à la  fragilité d'identification non pas symbolique, mais réglée par le seul imaginaire , et chez lui ce sera l'imaginaire du corps, c'est-à-dire celui de l'apparence." (Frignet, 2000 : 135-136)

Pour Lacan, les psychoses viennent du défaut de la marque de l'identité sexuelle dans l'inconscient, suite à la forclusion du Nom-du-Père, qui consiste à ne pas symboliser ce qui aurait du l'être. Ce qui a été forclos du symbolique, réapparaît ainsi dans le réel. Chez les personnes transsexuel-le-s, il manquerait à leur inconscient l'intériorisation de l'élément tiers: le Phallus et le positionnement exclusif du côté de l'avoir (hommes) ou de l'être (femmes).  Les transsexuel-le-s  sont pour les lacaniens, un exemple paradigmatique pour étayer leur théorie de la forclusion du Nom-Du-Père dans la psychose.

Si certains doutent encore du caractère psychotique des transsexuel-le-s, Henri Frignet nous explique que tous les psychotiques ont « lors d'épisodes délirants ou hors de ceux-ci, (et à conditions de les examiner comme il se doit), la marque de ce défaut d'une identité sexuelle inscrite dans l'inconscient. (...) Certes dans la plupart des psychoses ce trait structural n'occupe pas le devant de la scène, et reste en dehors de toute expression symptomatiques : les sujets paraissent savoir quel est le sexe qui est le leur, mais il s'agit d'un savoir de pur convenance(...) » (Frignet, 2000 : 122-123)

 

[vii] Jean Laplanche trouve lui par contre, des traces du concept de genre chez Freud. Le terme n'existe pas en allemand : Geschlecht  désigne tout à la fois le « sexe » et le « genre », mais « à défaut du mot, la chose n'est pas tout à fait absente. Freud insiste -je rappelle cela brièvement- sur l'existence chez l'être de trois couples d'oppositions, « actif-passif », « phallique-castré », mais aussi -et c'est ce troisième qui nous intéresse ici- « masculin-féminin » (...) nous avons un texte fameux, celui des « Théories sexuelles infantiles » où Freud fait cette hypothèse fort amusante et curieuse d'un voyageur venant d'une autre planète, disons qu'il vient de Sirius, et dont la curiosité sera éveillée par la présence des deux « sexes ». C'est évidemment « genres » qu'il faut dire, si on veut bien légèrement modifier le texte de Freud, car effectivement ce sont les habitus de ces deux catégories d'êtres humains qui comptent, et non pas les organes génitaux en tant que tel, qui sont le plus souvent dissimulés » Laplanche, Jean. 2003 « Le genre, le sexe, le sexual » dans Sur la théorie de la séduction, Paris, Libres cahiers pour la psychanalyse, In-Press pp. 76-77.

 

[viii] Castel, Pierre-Henri. « Distinguer sexe et genre, de l'exigence empirique à l'impasse conceptuelle : le moment stollérien. » , pierrehenri.castel.free.fr/Articles/sexegenre.htm

 

[ix] En référence au fameux « cas du président Schreber  qui se prenait pour la femme de Dieu », analysé par Freud.