SAGGESE Anthony, L’expérience de la grève à l’Imprimerie nationale en prairial an IV, dir. Pierre Serna et Jean-Clément Martin, 2003.

Le 8 prairial an IV (27 mai 1796), un mouvement social sans précédent se déclenche dans les locaux de l’Imprimerie de la République, hôtel Penthièvre, à deux pas du Palais-Royal, dans l’actuel siège de la Banque de France. Il est durement réprimé, sept présumés meneurs sont arrêtés, puis relâchés et licenciés trois jours plus tard. Les trois-cents autres ouvriers - hommes de presse et compositeurs – sont menacés de subir le même sort si le travail ne reprend pas rapidement. Ils s’exécutent.

La grève est pour nous un phénomène familier ; pour les ouvriers de l’Imprimerie nationale, soumis aux impératifs de production d’un Etat libéral sur le plan économique et fortement centralisé - le jeune Directoire Exécutif - elle est un phénomène tout à fait original et ne peut donc se comprendre au prisme des conflits sociaux de la fin du XIXe siècle.

Elle est en effet une forme de syncrétisme animée par trois dynamiques majeures ; tout d’abord celle des méthodes et des discours employés par les compagnons imprimeurs depuis le XVIe siècle, ensuite celle de la place singulière des ouvriers dans une manufacture si importante, et enfin celle de l’utilisation du récent discours de la Révolution cherchant à faire correspondre le bien-être des ouvriers avec celui de la nation ; espoirs brisés courts par l’interdiction des coalitions ouvrières et la nécessité d’impressions rapides au service de l’Etat.