Maîtrise Cécile BERLY
BERLY Cécile, Vulgariser Marie-Antoinette… Marie-Antoinette vulgarisée…, dir. Jean-Clément Martin, 2003
La vulgarisation de l’Histoire est moquée ou rejetée par la communauté historique ; le mythe de Marie-Antoinette est difficilement abordé par l’historien. Par la vulgarisation de la reine guillotinée, il s’agit d’étudier une mémoire tragique, louée ou condamnée : le 16 octobre 1793, la Révolution exécute Marie-Antoinette et lui offre une étonnante postérité. La mémoire de la reine se transmet par le genre biographique destiné au « grand public » : sont réunis cinq ouvrages qui obéissent à une règle biographique qui consiste à superposer la jeune et belle archiduchesse acclamée à cette souveraine déchue et mourante. Histoire de Marie-Antoinette des frères Goncourt (1858), œuvre de réhabilitation où la reine est à la fois une icône féminine et l’incarnation d’un XVIIIe siècle heureux et raffiné, balayé par une Révolution sanglante. La Très célèbre Chère Marie-Antoinette , portrait d’un caractère moyen de Stefan Zweig (1932), pour qui la reine est un prétexte : mettre en valeur les apports freudiens au genre biographique. L’écriture féminine et plus institutionnelle de l’historienne Evelyne Lever, Marie-Antoinette (1991) trahit les règles biographiques et commerciales imposées par le goût des lecteurs de Marie-Antoinette. Enfin, la réflexion royaliste des Girault de Coursac, confronte la vulgarisation de Louis XVI à celle de la reine et en propose un contre-portrait moral et physique. L’étude de ces rhétoriques biographiques met en valeur l’écriture d’un corps royal et féminin : selon les écritures conservatrices et royalistes (Goncourt, Chalon, les Girault) ce corps est réduit à un rôle maternel et politique : celles de Stefan Zweig et de Evelyne Lever constatent une sexualité frustrée et bafouée et lui accordent la passion amoureuse avec Fersen. Ses vulgarisateurs dévoilent son corps avec ou sans pudeur et le défendent du pire – il fut accusé d’inceste. L’ensemble des vulgarisateurs intègrent à leur argumentation une étape narrative inéluctable : Marie-Antoinette condamnée rédige son Testament adressé à ses enfants, à sa famille et à ses amis. Il est la mémoire presque tangible de la reine. La biographie est complétée par d’autres supports : Internet prolonge le monde vulgarisateur et entretient puissamment cette mémoire fantasque. Celle-ci se mesure, enfin, à Versailles, au petit Trianon et à la Conciergerie, lieux fortement marqués par la présence et la force de son souvenir : la mémoire de Marie-Antoinette se cristallise autour d’objets, risibles mais très lucratifs.
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