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Maîtrise Jean-Numa DUCANGE

DUCANGE Jean-Numa, L’œuvre de Karl Kautsky sur la Révolution française : sa réception en France 1889-1947, dir. Jean-Clément Martin, 2002.

 

Si les textes de Marx et Engels sur la Révolution française sont connus et ont été étudiés, l’œuvre de Karl Kautsky, théoricien de social-démocratie allemande après Engels et dirigeant de la seconde Internationale, n’avait quant à elle fait l’objet d’aucune étude particulière alors même qu’elle constitue un témoin important du rapport qu’entretient le marxisme avec la Révolution française. En effet, Kautsky écrit à l’occasion du centenaire de la Révolution Die Klassengegensätze von 1789. Zum hundertjährigen Gedenktag der grossen Revolution, court ouvrage à vocation essentiellement militante paru dans un premier temps dans la revue théorique de la social-démocratie allemande Die Neue Zeit, fondée par Kautsky lui-même. Traduite en français par Edouard Berth en 1901 sous le titre de La lutte des classes en France en 1789 au moment où l’Histoire socialiste de la Révolution française de Jean Jaurès paraît, la brochure de Kautsky reçoit un accueil favorable dans les milieux socialistes proches de Jules Guesde alors que la mouvance « ministérialiste » autour de Jaurès ignore sa parution. L’intérêt de Kautsky pour la « grande Révolution » ne se cantonne pas à une seule brochure ; toute son œuvre est en effet jalonnée de références. Dans le cadre de la polémique sur le « révisionnisme », Babeuf est ainsi l’objet d’une querelle d’interprétation entre Bernstein et Kautsky. Lorsque surgit en 1905 la première révolution russe, Kautsky compare dans plusieurs articles parus dans Le Socialiste de Jules Guesde la situation de la Russie « féodale » de 1905 et de la France de 1789. Peu après la Révolution de 1917, il revient dans Terrorisme et communisme sur la Terreur de 1793 pour mieux comprendre celle des bolcheviks de 1918. Son appréciation négative de la politique de Lénine et du bolchévisme lui vaut l’épithète de « renégat » et dès lors commence une longue période d’oubli de son œuvre, car il est apparenté pour les communistes à un adversaire de l’URSS. Cependant la « vieille maison » socialiste entretient la mémoire de l’œuvre de Kautsky sur la Révolution française, comme en témoigne la place importante de La lutte de classes en France en 1789 dans le Grand dictionnaire socialiste du mouvement politique et économique national et international de Compère-Morel de 1924, alors dirigeant du Populaire (quotidien de la SFIO). Surtout au lendemain de 1945, Daniel Guérin dans La lutte de classes en France sous la Première République prend pour référence Kautsky tandis que les éditions Spartacus éditent en 1947 Les trois sources fondamentales du marxisme, conférence dans laquelle Kautsky montre que la Révolution française est une « source » du marxisme. Cette appropriation inédite du « pape du marxisme » par un courant se réclamant d’un « marxisme libertaire », marque une rupture dans l’appréciation de l’œuvre de Kautsky sur la Révolution française.