Un dernier mot …
Un dernier mot … par Annick Foucrier
Le poste de professeur d’histoire de l’Amérique du Nord (encore actuellement le seul en France dans un département d’histoire), a été créé en 1967 à la Sorbonne. Il a été occupé par Claude Fohlen jusqu’en 1988, puis par André Kaspi. C’est une grande fierté pour moi d’avoir succédé en 2006 à des membres aussi éminents de la communauté universitaire.
J’ai pratiqué l’histoire de l’Amérique du Nord définie comme celle des territoires occupés par les trois nations actuelles (États-Unis, Canada et Mexique), des origines à nos jours.
Un lieu exceptionnel
Ce fut pour moi un honneur et un bonheur « sans pareil » de fréquenter quotidiennement ces lieux dotés d’un supplément d’âme, dans une Sorbonne qui a su faire rayonner les connaissances et la réflexion. Le monde entier connaît la Sorbonne.
La salle F605 (la « bibliothèque Claude Fohlen – Amérique du Nord ») est d’abord une bibliothèque, fondée par Claude Fohlen avec l’aide inestimable des ambassades des États-Unis et du Canada. Depuis 2006 elle a accueilli divers dons : ceux de Claude et Jeannine Fohlen, de Jacques Portes, ainsi que le fonds de l’association France Louisiane, et compte à ce jour près de 10 000 ouvrages, dont beaucoup sont uniques en France.
Que soient remerciés les étudiants qui ont aidé à transporter les livres, à les inventorier avec l’aide des bibliothécaires (merci Alicia et Boris), ainsi que les ouvriers de l’université qui ont installé des bibliothèques, des étagères, et avec le vidéoprojecteur et le store-écran ont équipé la salle pour y permettre la tenue de séminaires très actifs.
Des étudiants enthousiastes
Dans ce lieu que beaucoup ont qualifié de « magique », j’ai eu le privilège de travailler avec de nombreux étudiants, d’ouvrir ces jeunes esprits à une meilleure connaissance de l’histoire de l’Amérique du Nord souvent réduite à des stéréotypes simplistes, de guider leurs premiers pas dans la recherche et d’encourager leur passion, pour les amener selon leur motivation et leurs possibilités jusqu’au master puis à la thèse. Et ce n’étaient pas seulement des jeunes de milieux favorisés, comme beaucoup se l’imaginent. J’ai eu parmi mes étudiants de nombreux boursiers, et la plupart devaient travailler pour payer leurs études. J’ai eu aussi des étudiants étrangers qui devaient surmonter en plus le handicap de la langue. J’ai aidé chacun à aller le plus loin possible.
Je les remercie vivement de m’avoir fait confiance. Leur présence m’a donné la force de surmonter les drames de la vie.
Avec l’aide d’Alain Dallo, j’ai voulu pratiquer une pédagogie innovante en master 1, un travail d’analyse statistique en histoire démographique, appuyé sur les recensements fédéraux pour Chicago. Il s’agit d’une recherche fondée sur l’utilisation de sources de première main et d’archives, dans le cadre d’un travail d’équipe, et qui a été suivie par un voyage d’une semaine à Chicago. Une aide financière de l’UFR d’histoire ainsi que de la Chaire des Amériques a rendu possible trois années de suite ce voyage. Qu’ils en soient remerciés.
Lorsque j’étais étudiante, Erasmus et les échanges interuniversitaires n’existaient pas. Grâce à ma bourse des IPES, au programme Greyhound 99$ pour 99 jours, et avec l’autorisation de mon enseignant référent (Merci Pierre Sorlin), j’avais pu prendre un semestre sabbatique et parcourir l’Amérique du Nord de l’est à l’ouest et du nord au sud et rapporter une moisson extraordinaire de souvenirs, d’observations, de diapositives, de rencontres, de questions, qui ont décidé de mon avenir. Dès mon arrivée à Paris 1 en 2006 j’ai été soucieuse de favoriser la mobilité des étudiants. J’ai fait entrer l’université Paris 1 dans le consortium Micefa (Mission interuniversitaire de coordination d’échanges franco-américains) avec l’aide de Nancy Merritt, qui en était à l’époque la directrice, et dans le circuit des Congrès interuniversitaires Nafta. Comme déléguée à l’international de l’UFR d’histoire, j’ai pu travailler avec les collègues de la Maison internationale (mention spéciale à Véronique Ténèze qui n’a jamais ménagé son temps et sa peine) et les autres délégués d’UFR, dans cette si jolie villa art nouveau de la rue Arago. Les étudiants ne savent pas suffisamment le temps et l’énergie nécessaires pour leur permettre de réaliser leur rêve de séjour à l’étranger.
J’ai aussi eu grand plaisir à participer aux activités de la Commission franco-américaine Fulbright, avec Françoise Gaulme puis avec Arnaud Roujou de Boubée. Merci pour ce soutien si utile à l’élargissement de l’horizon mental des étudiants et à une meilleure compréhension mutuelle des jeunesses dans le monde.
J’ai apprécié la présence d’auditeurs libres dans les cours magistraux de licence, qui outre le mélange intergénérationnel fait partie de la mission de l’université de diffuser largement les avancées des connaissances.
La recherche internationale
Cette mobilisation de la recherche est un des pôles des activités du CRHNA, lieu actif de colloques, de journées d’études, de conférences, de réunion de groupes de travail avec des chercheurs d’autres universités de France mais aussi d’Europe, des États-Unis, du Canada et du Mexique.
Je suis reconnaissante envers les collègues qui m’ont aidée à m’améliorer constamment, ceux qui m’ont formée, ceux qui m’ont accompagnée, ceux qui continuent avec le même idéal de permettre à de jeunes esprits de réaliser leur potentiel, de devenir ce qu’ils sont.
Une carrière atypique et exceptionnellement longue
Ma carrière n’a pas été un long fleuve tranquille. Pur produit de la méritocratie républicaine, progressant grâce aux concours (Ecole normale d’institutrices, IPES, Capes, Agrégation) et à la recherche (maîtrise, thèse), j’ai eu la chance et le privilège de pouvoir apprendre, partager et de continuer à progresser toute ma vie.
Je souhaite de belles années d’enseignement et de recherche à Hélène Harter, élue professeur d’histoire de l’Amérique du Nord et directrice du CRHNA.