Rapport fait à la Convention Nationale au nom du comité des Inspecteurs de la Salle et de l’Imprimerie, par Sergent, député élu dans le département de Paris, Sur la conduite du citoyen Baudouin, Imprimeur de la Convention Nationale
Citoyens,
Vous avez renvoyé, par un décret, à votre comité d’inspection de la salle, l’examen de la conduite du citoyen Baudouin, imprimeur de la Convention nationale.
Il avait été accusé de retarder l’impression de différentes pièces qu’il importait de distribuer aux membres de l’Assemblée, et de rendre publiques par les envois aux départemens.
Il avait été accusé d’avoir, à dessein, imprimé un passage important du rapport du citoyen Gossuin, de manière à lui donner un sens contraire à l’esprit qui dirige les opérations de la Convention pour le salut public.
Enfin, le citoyen Tallien, député, avait appuyé ces accusations, en rappelant à l’assemblée que Baudouin avait pendant longtems employé, pour rédiger le Journal des Débats, le libelliste Louvet.
Il avait fini par demander si cette entreprise nationale ne pouvait pas être divisée entre plusieurs citoyens imprimeurs.
En exécution de votre décret, nous avons examiné la conduite du citoyen Baudouin ; nous avons remonté à des époques bien antérieures à celles où vous avez été appelés aux augustes fonctions de législateur. Nous avons vu d’abord une comptabilité parfaitement en règle de la part du citoyen Baudouin, de l’intelligence et de l’économie dans ses opérations ; nous devons lui rendre cette justice, que dans cette partie immense des travaux ordonnés par les assemblées, il ne s’est trouvé contre lui aucune plainte de gaspillage ou d’erreurs de comptes.
Quant aux faits dont il a été particulièrement accusé relativement au rapport de Gossuin, Gossuin est convenu que c’était une faute de copiste dont Baudouin ne pouvait être coupable : Gossuin s’est empressé de faire cette déclaration.
Tallien a été satisfait de cette explication : et s’il eût été alors en son pouvoir encore de retirer l’accusation qui a motivé votre décret, il l’eût fait.
Mais il nous restait à nous assurer scrupuleusement de la nature du civisme du citoyen Baudouin ; et pour cela il fallait le suivre dans la révolution.
Après avoir interrogé ceux qui ont vécu avec le citoyen Baudouin, nous nous sommes convaincus qu’une certaine fluctuation qui avait pu être remarquée dans la conduite de Baudouin, et qui avait du alarmer les fidèles amis de la liberté, ne venait pas de sa propre opinion, mais avait toujours été déterminée par l’ascendant des meneurs des assemblées, qui se couvraient du masque du patriotisme pour tromper la nation entière : c’est ainsi que Louvet qui devait bien servir les vues d’un certain comité dit des vingt-un, fut impérieusement donné à Baudouin ; celui-ci fut contraint de passer, par ordre, un acte qui le liait de telle manière qu’il ne fallait rien moins qu’un décret d’accusation contre Louvet, pour lui ôter la rédaction de ce journal, contre lequel Baudouin n’avait d’ailleurs cessé de réclamer : ainsi qu’il l’a prouvé par sa correspondance ; c’est ainsi que ces empoisonneurs de l’esprit public employaient la verge du Despotisme et rétablissaient les Bastilles, en faisant violence à un imprimeur pour lui donner un rédacteur.
Ce qui justifie pleinement à nos yeux Baudouin, c’est que dans le temps même où ce Louvet, qui vomissait le poison dans son journal, répandait le venin le plus âcre sur un des représentans du peuple, et satisfaisait ainsi, d’une manière dégoûtante, ses passions et ses haines de commande, et gagnait l’argent qui lui avait été promis ; Baudouin vint au comité dénoncer aux députés patriotes et clairvoyans la conduite de Roland, qui faisait imprimer et circuler dans les départemens aux frais de la république, quinze mille exemplaires des calomnies de Louvet contre Robespierre, pendant qu’il refusait de faire obstinément circuler la réponse de ce dernier. Baudouin nous en administra la preuve : je les aie vues.
Alors le vertueux Ministre, sa Femme et les parasites qui s’amoncelaient à leur table, étaient tous puissans, et Baudouin eut du mérite à nous le dénoncer.
Lorsque la commission mi-partie Royale des Vingt-un de l’assemblée législative ordonnait à Baudouin de gager la plume de Louvet, et lui défendait de trouver mauvaises ses opinions comme ses calomnies, Baudouin, membre du conseil municipal, était assis du côté gauche ; les appels imprimés pour le renversement des bustes de Lafayette, de Bailly et de Louis, pour les félicitations aux officiers municipaux qui avaient sauvé le peuple le 20 juin, attestent que Baudouin votait avec les patriotes purs de cette municipalité.
Sa section, qui l’a vu à sa tête venir applaudir dans cette enceinte au jugement du tyran, qui l’a vu, le 10 août, lui donner les témoignages les plus honorables de satisfaction : elle a même écrit à votre président pour lui témoigner sa surprise des accusations portées contre lui.
Le comité a donc pensé que Baudouin ayant donné, dans toutes les grandes circonstances, des preuves d’un civisme constant, et notamment à l’époque du 31 mai dernier, où il faisait encore pour 80 000 liv. de dépenses, afin d’augmenter ses moyens de vous servir, où il prouvait par là qu’il était bien éloigné de croire à la dissolution projetée de la convention nationale par MM. les fédéralistes, le comité, dis-je, a pensé que sa conduite habituelle ne peut lui faire démériter de la convention : il vous propose en conséquence le projet de décret suivant :
« La convention nationale, après avoir entendu son comité des Inspecteurs de la Salle, chargé, par un décret, d’examiner la conduite du citoyen Baudouin, et qu’il n’a pas cessé de mériter sa confiance. »
(Source : BHVP, cote 6004, n° 26)